Aïda presse le pas, ses sandales soulevant de petits nuages de poussière à chaque foulée. Elle voudrait se convaincre que tout va bien, que tout est fini, que l’épicier Karim gère la situation et que bientôt, quelqu’un viendra vérifier ce qu’elle a vu. Mais son corps refuse de se détendre. Ses épaules restent raides, ses doigts jouent nerveusement avec le bord de sa manche. Sa gorge est sèche. Elle a l’impression d’avoir avalé une pierre, ou du sable.
Elle revoit encore ce fichu bout de métal, à moitié enterré sous la poussière. Son ventre se tord. Elle aurait pu ne pas le voir. Passer juste à côté. Pire : poser le pied dessus.
La pensée lui donne un frisson incontrôlable.
Elle inspire profondément et secoue la tête. C’est fini, non ? Elle s’est éloignée, elle a prévenu un adulte, elle a bien agi. C’est ce qu’on dit dans les histoires : “préviens quelqu’un, ne prends pas de risques, fais ce qu’il faut.” Elle l’a fait. Alors pourquoi est-ce qu’elle se sent toujours aussi mal ?
Elle ralentit instinctivement, alors qu’elle n’a vraiment pas le temps. Ses yeux fouillent le sol à la recherche de… quelque chose. N’importe quoi. Sauf que quand on cherche n’importe quoi, forcément, on trouve. Elle voit d’autres déchets, d’autres objets à l’air inoffensif. C’est presque terrifiant !
Elle secoue la tête, frustrée contre elle-même. Elle devient paranoïaque.
Au bout d’un moment, elle arrive enfin à destination. Le chemin lui a semblé bien plus court qu’il n’aurait dû l’être ! Et puis, au coin d’un mur, elle aperçoit quelque chose d’inhabituel. Rien d’effrayant cette fois, mais qui, comme un coup du sort, un appel du pied, lui rappel ce qu’elle vient de vivre.
Une grande affiche, collée sur une façade défraîchie, juste à côté d’une porte en fer bleu écaillé, dit :
"Atelier de sensibilisation aux mines et explosifs – Protégez-vous, informez-vous !"
L’affiche est illustrée d’images : une silhouette d’enfant devant un panneau identique à celui qu’elle vient de voir. Un terrain vague marqué de drapeaux rouges. Des adultes en uniformes beiges entourés d’enfants, en train de leur montrer quelque chose sur une table.
Les images sont simples, mais percutantes.
Son cœur cogne plus fort.
Elle n’a aucun mal à s’imaginer à la place de ces gens. Parce que c’était, à peu de choses près, ce qui lui était arrivé. Un panneau - qu’elle avait ignoré - puis un objet normal, et juste son instinct pour lui éviter la catastrophe. D’autres n’auraient… n’avaient pas cette chance.
Aïda mordille sa lèvre, indécise. Avant aujourd’hui, elle aurait peut-être haussé les épaules en se disant qu’elle était déjà prudente, qu’elle savait faire attention. Qu’elle était une grande fille, responsable, qui connaissait les chemins de son quartier sur le bout des doigts. Qu’elle ne risquait rien du tout.
Sauf qu’aujourd’hui, elle n’en est plus si sûre. Et elle a une décision à prendre et elle lui semble claire comme de l’eau de roche...
Que fait-elle ?
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