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Chapitre 8

Elle en a pour une heure au moins en prenant l’autre chemin. 
Mais bon. Si le panneau dit vrai… une heure, ce n’est pas cher payé pour ne pas finir en morceaux.

Elle pousse un profond soupir, pivote sur ses talons et bifurque vers la rue adjacente.

La route est plus longue et bien moins agréable que son trajet habituel. Ici, il n’y a pas l’ombre des petits immeubles ni l’odeur réconfortante des épices du marché. Juste une large avenue poussiéreuse où la chaleur tape plus fort que partout ailleurs.

Elle râle à voix basse.

— J’aurais dû dire que j’avais mal au ventre. Ou que j’avais trop de devoirs. Ou que j’étais occupée à sauver le monde.

Elle donne un coup de pied dans un caillou, qui roule sur le bitume sec avant de disparaître sous une vieille voiture garée de travers. C’était toujours pareil : Samir était tête en l’air, et ne s’occupait de rien, et c’était à elle de régler ses problèmes, parce qu’elle était l’aînée et devait apprendre à gérer une maison ! Ça ne lui donne pas du tout envie d’avoir des enfants. Elle est sûre que son frère est tranquillement assis devant la télévision, où à jouer au foot avec ses amis. Lui, il s’amuse et elle, elle va chercher le pain que maman lui avait demandé, à lui, d’aller chercher.

— "Tu apprendras à être responsable, Aïda." minaude-t-elle. Pff. Apprendre à être responsable, c’est surtout apprendre à être exploitée, décide-t-elle résolument. Elle peste encore quelques instants, puis accélère le pas, pressée d’en finir.

Et puis, au coin d’un mur, elle aperçoit quelque chose d’inhabituel.
Une grande affiche, collée sur une façade défraîchie, juste à côté d’une porte en fer bleu écaillé.

"Atelier de sensibilisation aux mines et explosifs – Protégez-vous, informez-vous !"

L’affiche est illustrée d’images : une silhouette d’enfant devant un panneau identique à celui qu’elle vient de voir. Un terrain vague marqué de drapeaux rouges. Des adultes en uniformes beiges entourés d’enfants, en train de leur montrer quelque chose sur une table.

Elle fronce les sourcils. Elle n’aime pas l’idée que ces dangers existent à deux rues de chez elle. Et elle a beau pester contre son fainéant de petit frère, Samir pourrait bien traverser un champ miné sans même y penser, distrait comme il est. Samir traverserait, ne ferait pas attention et… Elle ne veut certainement pas imaginer une vie sans son petit frère, peu importe combien il est ennuyant. 

Mais en même temps… elle vient littéralement d’éviter une zone suspecte à cause d’un panneau comme celui-là, preuve que c’est utile et dissuasif. 
Elle mordille sa lèvre inférieure.
Ce n’est pas qu’elle soit spécialement curieuse. Mais bon, si elle a failli marcher dans une zone dangereuse aujourd’hui, peut-être qu’il serait utile d’en savoir un peu plus ?
Elle lève la tête et observe la porte bleue.

Juste au-dessus, une petite pancarte : Atelier de sensibilisation

Que fait-elle ?