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Leurs histoires, notre combat

Leurs histoires
notre combat

Leurs histoires
notre combat

 

Eric Weerts

Expert en réadaptation pour Handicap International

 
 

« Derrière mon visage se cache l'histoire de milliers de personnes. »

 

Eric Weerts, 58 ans, habite à Liège. Kinésithérapeute de formation, il a travaillé plusieurs années en Belgique, avant de partir en Asie en 1991 pour Handicap International. Passionné par l'humanitaire et le social, il est resté dans la région pendant plus de 20 ans. Aujourd'hui, il travaille comme spécialiste en réadaptation pour l’organisation.

 

Comment as-tu rejoint Handicap International ?

C'est pendant mes études de kinésithérapie que j'ai découvert Handicap International, alors en pleine ouverture de son bureau à Bruxelles. L'association venait recruter des kinésithérapeutes dans des écoles comme la mienne pour ses projets à l'étranger. Ces présentations m'ont profondément impressionné et marqué.

Le service militaire a également joué un rôle. À l'époque, il était d'usage de faire son service militaire avant d'entamer une carrière. Handicap International offrait la possibilité d'effectuer un service civil à l'étranger. En 1991, j'ai signé un contrat de deux ans et je suis parti pour la Thaïlande. Jusqu'en 2012, j'ai travaillé en Asie du Sud-Est sur différents projets. Depuis 2012, je suis de retour à Bruxelles, où je travaille en tant que spécialiste en réadaptation pour les situations d'urgence et les conflits.

En quoi consiste exactement cette fonction ?

Dans ma fonction, je soutiens à la fois nos projets de réadaptation internationaux et des collaborations avec d’autres organisations. Un bon exemple est notre travail avec Médecins Sans Frontières Belgique, oavec qui nos spécialistes coopèrent depuis plusieurs années dans des hôpitaux et centres de réadaptation. Cette collaboration est bénéfique pour tous, car elle permet aux patients de bénéficier d’un suivi immédiat après leur traitement médical, facilitant la transition vers la réadaptation.

Concrètement, je suis chargé d’étendre le département de réadaptation. Je recrute des spécialistes locaux et, lorsque nécessaire, des expatriés. J’élabore également un plan financier pour couvrir les coûts opérationnels et l'approvisionnement en matériel, tout en mettant l'accent sur le développement de l'expertise technique de l’équipe interdisciplinaire. L’objectif est de garantir les meilleurs résultats possibles pour répondre aux besoins de réadaptation des patients et de leurs familles.

Quel est le rôle des soins de réadaptation dans les situations d’urgence ?

Dans les zones de conflit et lors de catastrophes naturelles, il est fréquent de trouver des personnes hospitalisées. Bien qu'elles nécessitent des soins de réadaptation, elles sont souvent moins prioritaires que d'autres patients ayant des besoins médicaux urgents. Il est donc essentiel de commencer le processus de réadaptation le plus tôt possible pour restaurer la mobilité et aider les patients à faire face à leur situation actuelle. Il ne s'agit pas seulement du rétablissement du patient, mais aussi de la prévention. Il est essentiel d'identifier et de gérer les risques de complications dans les jours ou les mois qui suivent.

Quelle est la méthode de travail de Handicap International dans ce contexte ?

Au sein de Handicap International, nous avons constaté ces dernières années que les soins de réadaptation sont de plus en plus intégrés dès le début des catastrophes naturelles ou dans les zones de conflit. Autrefois, nous nous concentrions principalement sur les besoins de base et les évaluations. Aujourd'hui, nous avons développé un rôle spécialisé dans la prévention, qui vise à restaurer la mobilité et à soutenir les personnes en situation de handicap qui ont perdu ou ne peuvent plus utiliser leurs aides. Cette approche à double sens apporte une valeur unique à notre organisation.

Ce travail est-il suffisamment reconnu? On ne pense pas immédiatement aux soins de réadaptation lorsque l’on évoque les soins d’urgence…

C’est vrai ! Pendant des années, les kinésithérapeutes ont dû mener un combat difficile. Il était nécessaire de faire ses preuves, car en dehors de l'Europe, notre formation n'était pas reconnue. De nombreux collègues, qui avaient obtenu d'excellents diplômes en Asie du Sud-Est, n’ont pas bénéficié du même statut dans le contexte humanitaire, ce qui a limité l'exploitation de leurs compétences. Les gens avaient tendance à se concentrer sur des actions techniques pour améliorer la mobilité ou soulager la douleur. Cependant, dans les contextes humanitaires, les soins de réadaptation vont bien au-delà de la kinésithérapie. Ils offrent aux personnes les outils nécessaires pour reprendre le contrôle de leur vie et apprendre à vivre avec leur handicap.

La situation s'est-elle améliorée entre-temps ?

En proposant des formations spécifiques aux kinésithérapeutes et en menant des actions de plaidoyer, des organisations comme Handicap International ont réussi à faire progresser la situation.

Un exemple marquant est la résolution de 2023 de l'Organisation mondiale de la santé (l'OMS). Cette résolution reconnaît l'importance des soins de réadaptation à l'échelle mondiale et invite les pays à mettre en place les politiques et les ressources nécessaires pour que davantage de personnes puissent bénéficier des soins dont elles ont besoin.

Pourtant, dans certains pays et régions, il reste difficile de s'implanter politiquement et administrativement, comme à l’Est du Congo, en Somalie, au Soudan... Les problèmes d'accessibilité, de conflits et de sécurité personnelle sont si graves que les priorités liées aux personnes handicapées sont souvent absentes. Il est donc crucial de poursuivre nos efforts de communication et de lobbying, tout en exploitant nos relations avec les pays voisins et les organisations locales, afin d'améliorer la situation dans ces régions.

Pourquoi les soins de réadaptation sont-ils si importants ?

Les soins de réadaptation concernent tout le monde, pas seulement les personnes blessées. Tout le monde peut se retrouver dans une situation où des soins de réadaptation sont nécessaires, par exemple après un accident ou en vieillissant. Avec l'âge, les fonctions motrices et les mouvements deviennent plus difficiles. Les soins de réhabilitation sont essentiels pour y faire face et s'adapter. Au cours des 30 dernières années, j'ai observé une évolution significative du rôle de la réadaptation, qui s'est élargi. Les physiothérapeutes, les ergothérapeutes et d'autres professionnels jouent désormais un rôle de plus en plus central dans ce domaine.

Le 9 octobre, tu noueras les Lacets bleus de Handicap International. Qu'est-ce qui t'a poussé à participer à cette nouvelle campagne ?

Je n’ai pas eu besoin de réfléchir longtemps. Le Lacet bleu est un symbole que je connais bien, présent dans ma vie depuis la première campagne, il y a 25 ans. Il symbolise non seulement les réussites de Handicap International en matière de soins de réadaptation, mais également les besoins continus de l'organisation. À l’heure où les conflits et les catastrophes naturelles causés par le changement climatique se multiplient, la demande de soins de réadaptation augmente. Il est donc crucial de renouveler notre engagement et de mettre l'accent sur les actions à venir.

Quel message aimerais-tu encore partager ?

Derrière mon visage se cache l'histoire de milliers de personnes avec qui j'ai travaillé, la plupart étant des collègues locaux dans les pays où nous intervenons. Parmi les 5 000 personnes qui travaillent aujourd'hui pour l'organisation, très peu partagent mon profil. Malgré les risques liés à leur travail – les rapports annuels indiquent que nos employés sont de plus en plus souvent la cible de violences durant leurs missions humanitaires – ils s'engagent chaque jour pour Handicap International. Il est également essentiel de mettre en avant le vaste réseau de collaboratrices, de collaborateurs et de partenaires qui nous soutiennent, y compris des collègues d'autres organisations, des ministères et des hôpitaux. Leur impact est considérable, bien qu'il demeure souvent invisible. Je souhaite incarner le visage de ces héros méconnus.

photographie : Bas BOGAERTS

photographie : Bas BOGAERTS