Goto main content

Maroc: 1 an après le séisme

Urgence
Maroc

Toutes deux victimes du séisme, Hassna Hicham et Hassna Raouane, partagent avec Handicap International leurs souvenirs et témoignent de la vie après la catastrophe au sein de leur communauté.

Deux membres de l'équipe sont à l'accueil de la caravane organisée, des bénéficiaires attendent d'être prises en charge.

Août 2024, région du Haut-Atlas. Accueil de bénéficiaires par l'équipe de Migrations & Développement, partenaire de Handicap International. | © K. Erjati / HI

Dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023, un séisme de magnitude 6,8 a frappé le Haut-Atlas au Maroc. Une région montagneuse, peu accessible et dans laquelle les services de santé, physique et mentale, sont peu présents. Pour accompagner les victimes dans leur reconstruction, Handicap International se mobilise depuis la fin de l’année 2023 en organisant des unités de soins mobiles. Celles-ci parcourent les régions touchées par le séisme pour apporter un soutien à la population, notamment des espaces d’écoute et de partage, où chacun et chacune sont libres de raconter leur histoire. Hassna Hicham, 29 ans, et Hassna Raouane, 23 ans, ont toutes les deux vu leur vie basculer après le séisme.

Une nuit et des jours de désolation avant l’arrivée des secours

Qu’il s’agisse de Hassna Hicham à Aguerd, ou de Hassna Raouane à Tajgalt, toutes deux racontent que la nuit du séisme fût extrêmement difficile. Prises par surprise, lorsque les familles commencèrent à se coucher, leur sommeil a été interrompu par un bruit assourdissant puis, le noir complet. L’électricité était coupée, tout n’était que poussière, le bruit de la terre qui tremble et des murs qui s’écroulent a laissé place à celui des pleurs et des cris dans la nuit.

« C’était un grand choc, j’étais complètement perdue. C’était comme si le temps s’était arrêté. D’un seul coup, on perd tout ce que l’on a, tout est parti » raconte Hassna R.

Hassna Hicham, qui vivait avec toute sa famille, confie qu’au début elle pensait que c’était la guerre, que seule leur maison avait été détruite. C’est lorsque sa grand-mère est sortie pour appeler à l’aide et que le reste de sa famille l’a suivie qu’ils ont compris qu’il s’agissait d’un tremblement de terre. Elle explique :

« C’était impensable, je ne souhaite à personne de vivre cette même nuit. Nous étions tous à la maison, toute la famille était sur le point de s’endormir quand tout s’est effondré sur nous. J’ai tiré ma fille de sous terre, elle s’était fracturée le bras et la jambe, mon fils aussi. On était tous blessés et on avait du mal à marcher. On s’étouffait avec la poussière dans la nuit noire. Nous entendions les cris mais on ne voyait pas d’où ça venait pour aller aider. »

Dans le douar de Hassna H., les décès ont par chance été peu nombreux mais aux alentours, dans d’autres villages, les pertes ont été considérables. La jeune femme raconte que dans un douar voisin, ses cousins et cousines, ainsi que leurs enfants ont tous été emportés : un foyer entier qui n’a pas survécu à la catastrophe.

Les jours suivants, la détresse était partout. Si la région frappée par le séisme est difficilement accessible en temps normal, après la catastrophe, les seules routes existantes ont été coupées ou détruites. Hassna Hicham raconte que du côté de son village, l’aide militaire n’a pu arriver que trois jours plus tard. Trois jours durant lesquels personne n’avait d’électricité, d’eau ou de nourriture. Les survivants sont ainsi restés assis, en état de choc sans rien d’autres autour d’eux que les restes de leurs maisons et les corps des personnes décédées.

« Le lendemain, on voyait les morts se faire tirer des décombres. Même si mes parents et ma famille ont survécu, nous avons perdu des voisins qui sont comme nos frères et sœurs. C’était horrible » confie Hassna Raouane. 

En plus des conditions de vie extrêmement pénibles, Hassna Hicham explique qu’une certaine forme de violence planait : 

« On dormait dehors par terre, sans abris. Nous craignions les chiens errants et même des agressions d’autres personnes qui pouvaient profiter de la situation ou nous violer. On dort mieux maintenant qu’on est dans les tentes, au moins c’est un endroit fermé ». 

La difficulté de se reconstruire, individuellement et collectivement

Cette nuit-là, les deux jeunes femmes ont vécu l’événement d’une manière qui leur est propre et pourtant, le traumatisme les a marquées de façon similaire. Elles racontent être devenues plus nerveuses, et pointent qu’elles ne seront plus jamais les mêmes, bien qu’elles aillent de mieux en mieux. 

« Je ne supporte plus rien. Je le ressens beaucoup avec mon fils. Dès que je lui demande quelque chose et qu’il ne m’écoute pas je sors de mes gongs. C’est difficile de passer à autre chose, on sent toujours la terre trembler à l’heure actuelle. Ça s’est passé il y’a trois jours encore » explique Hassna Hicham.

Hassna R. précise qu’une catastrophe pareille a logiquement un impact sur notre état d’esprit et notre façon de voir le monde. Elle a conscience que « la vie de l’au-delà peut nous rattraper à n’importe quel moment » et est maintenant constamment en hypervigilance : dès qu’elle entend un bruit, ou que quelque chose bouge brusquement la peur revient et elle pense à cette nuit du 8 au 9 septembre. Aussi, pour cette étudiante dans le domaine de la santé et de l’éducation :

« Tant que le douar restera dans cet état, le souvenir de cette nuit ne nous quittera pas. Le même scénario se répète, même quand on se regroupe entre voisins ou en famille, les conversations ne tournent qu’autour du séisme. C’est toujours le même sujet. On parle des personnes décédées, du vide qu’ils ont laissé dans nos vies. Plus de 40 personnes sont décédées ici, de jeunes enfants, des femmes… J’ai perdu mes camarades de classe et mes amis, on comptait poursuivre ensemble nos études mais ils m’ont laissé à mi-chemin… »

Des espaces d’écoute pour soutenir les victimes

Depuis fin 2023, chaque sortie des unités mobiles, organisée par Handicap International et ses partenaires marocains1, comprend des séances de soutien en santé mentale et en soutien psychosocial pour les survivants du séisme. Des activités qui impliquent la mise en place de temps de parole, individuels ou en groupe, pour partager son expérience et trouver du réconfort. Pour Hassna Hicham, ces interventions et celles des autres associations sont très importantes. Le fait de pouvoir discuter et échanger apporte plus de paix aux communautés : 

« On se dit que rien que le fait de se déplacer pour nous voir c’est déjà quelque chose de grand pour nous. Le fait de venir sous cette chaleur et avec autant d’obstacles pour nous soutenir c’est un geste très grand. On se dit ”ces pauvres gens sont venus jusque-là pour nous aider.” » 

Hassna Raouane, elle aussi, témoigne du fait que les groupes de parole avec le psychologue l’ont beaucoup aidé mais même si elle déclare que cela lui a permis de respirer un peu, elle ne peut oublier le choc que tout soit parti en fumée du jour au lendemain et les morts autour d’elle. 

Pour elle, « même si le village se reconstruit, il y aura éternellement un sentiment de manque. »

1Migrations & Développement et le réseau de Réadaptation à Base Communautaire

Publié le : 11 septembre 2024

Pour aller plus loin

Les frappes massives au Liban font des centaines de morts et de blessés
© HI
Urgence

Les frappes massives au Liban font des centaines de morts et de blessés

Les attaques aériennes au Liban provoquent la panique parmi la population et aggravent la crise humanitaire en cours.

Les héros de Gaza - « Le travail est ce qui me maintient en vie »
© HI
Mines et autres armes Réadaptation Urgence

Les héros de Gaza - « Le travail est ce qui me maintient en vie »

Doa'a Al-Naqeeb, âgée de 24 ans, est kinésithérapeute à Handicap International et fait partie de l'équipe de volontaires d'urgence dans le camp de déplacés de Nuseirat.

Les héros de Gaza - « Depuis octobre, nous avons été déplacés huit fois »
© HI
Mines et autres armes Urgence

Les héros de Gaza - « Depuis octobre, nous avons été déplacés huit fois »

Mohammad Balousha a 41 ans. Il supervise l’approvisionnement chez Handicap International à Gaza. Il explique combien il est difficile d’être humanitaire lorsque l'on est soi-même touché par la violence armée.