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Luis Saenz Fragua, le vendeur de chance

Mines et autres armes
Colombie

Don Luis et sa femme vivent à Simiti, un village proche de San Pablo, leurs 8 enfants ont déjà quitté le nid familial. Ils vivent de la terre. Don Luis cultive en effet du yucca et du maïs sur une terre dont il est fièrement propriétaire. En mars 2002, les affrontements entre la guérilla et les paramilitaires se rapprochent de leurs terres. Pragmatique, Don Luis explique «j’ai été caché mes outils et mon matériel à une heure à pied de la maison pour ne pas qu’un des groupes me les prenne ».

Victime de mines

Don Luis et sa femme vivent à Simiti, un village proche de San Pablo, leurs 8 enfants ont déjà quitté le nid familial. Ils vivent de la terre. Don Luis cultive en effet du yucca et du maïs sur une terre dont il est fièrement propriétaire. En mars 2002, les affrontements entre la guérilla et les paramilitaires se rapprochent de leurs terres. Pragmatique, Don Luis explique « j’ai été caché mes outils et mon matériel à une heure à pied de la maison pour ne pas qu’un des groupes me les prenne ».

Une semaine après, il décide de retourner chercher son matériel tôt le matin. Sur sa route, il pose son pied sur mine qui explose instantanément. L’enfer commence. Il comprend tout de suite ce qu’il se passe car il sait que de nombreux paysans de la région ont déjà été victimes de ce genre d’explosion. Il comprend également qu’il a perdu son pied. Il est immobilisé, la douleur est intenable. « J’ai commencé à crier, mais je savais que de là où j’étais personne ne pouvait m’entendre ». Pourtant, il continue car c’est son seul espoir. Persuadé qu’il va mourir car sa blessure saigne énormément, il perd connaissance. Son épouse, inquiète de ne pas le voir rentrer, part à sa recherche en fin de journée. Elle le retrouve inconscient mais garde son sang-froid et emmène son mari jusqu’au centre de santé. Les difficultés s’enchaînent, les médecins refusent de soigner Don Luis. « Ils n’ont même pas regardé la blessure » dit-elle. Ils ont en effet peur des conséquences de leur implication dans le conflit. On renvoie donc directement Don Luis et sa femme à Bucaramanga. Il leur faudra plus de 5 heures de route pour arriver jusqu’à l’hôpital. Les médecins n’ont d’autre choix que d’amputer la jambe de Don Luis car la blessure s’est gangrenée.

Don Luis réagit d’abord très mal. « Je pensais que je ne pourrais plus jamais marcher. Comment est-ce que j’allais travailler et faire vivre ma famille ? » Et puis, il prend patience car finalement l’important, c’est qu’il soit toujours en vie même si le chemin vers un retour à une vie autonome sera long. A sa sortie de l’hôpital, la famille ne retourne pas à Simiti. D’une part, Don Luis ne peut pas retourner travailler sur ses terres et d’autre part il ne sait pas très bien ce qui l’attend là-bas, il y a toujours la crainte des représailles. Ils s’installent donc à San Pablo. Avec la vente de leur parcelle, ils commencent à louer une petite maison. Mais cette source de revenus s’épuise rapidement et Don Luis n’a toujours pas de travail. « J’ai commencé à mendier dans la rue pour pouvoir me payer une prothèse » avoue-t-il sans complexe. Il n’obtient sa première prothèse que 2 ans après l’accident et doit continuer à vivre de la mendicité. Au début de l’année 2006, le couple se rend compte qu’ils n’arrivent pas à gagner suffisamment pour rester dans leur maison. Ils décident alors de s’installer sur un terrain à la périphérie de la ville et de construire eux-mêmes leur maison avec ce qu’ils trouvent, des planches en bois et des bâches en plastique. Ils vivent alors dans une extrême pauvreté.

Don Luis rencontre Handicap International en août 2006, la kinésithérapeute de l’organisation remarque immédiatement que Don Luis a urgemment besoin d’une nouvelle prothèse. Don Luis est diabétique, il faut suivre de très près l’adaptation du moignon à la prothèse pour éviter les points de pression et les petites blessures qui en résultent. Handicap International lui procure donc une nouvelle prothèse ainsi que des conseils d’exercices à faire à domicile pour s’adapter à la prothèse et renforcer les muscles de sa jambe.

L’épouse de Don Luis avoue discrètement que la guérilla leur a aussi volé un fils. Il compte parmi les milliers de personnes qui ont disparu depuis le début du conflit colombien. Don Luis est un homme fier, il est difficile pour lui d’exprimer ses sentiments et il a toujours essayer de se débrouiller seul pour ne pas être une charge pour sa femme. Cependant, il y a des souffrances qu’on ne peut garder pour soi et le couple a beaucoup souffert de l’incapacité de Don Luis à les exprimer. Les entretiens avec les psychologues de Handicap International l’ont ainsi aidé à gérer les événements traumatisants qui ont ponctué son existence. Le couple peut maintenant commencer à se reconstruire.

Aujourd’hui Don Luis est « vendeur de chance ». Il vend des billets de loterie dans la rue et les cafés de San Pablo. Il se balade avec son petit sac en bandoulière toute la journée. Cela ne lui permet pas de gagner énormément d’argent et ses revenus sont loin d’être réguliers mais Don Luis et sa femme arrivent aujourd’hui à joindre les deux bouts.

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