La Syrie: interview de notre coordonnateur régional des opérations d’urgence
Thierry-Mehdi Benlahsen, coordonnateur régional des opérations d’urgence de Handicap International, explique l’importance d’inclure les personnes les plus vulnérables - y compris celles en situation de handicap - dans les réponses humanitaires.
Thierry-Mehdi Benlahsen, coordonnateur régional des opérations d’urgence de Handicap International, explique l’importance d’inclure les personnes les plus vulnérables - y compris celles en situation de handicap - dans les réponses humanitaires.
Quelle est la situation actuelle en Syrie et aux alentours? Quelle réponse Handicap International apporte-t-elle à cette situation?
Il est difficile à décrire précisément la situation actuelle en Syrie mais il est possible de juger, sur base de ce que nous voyons des Syriens que nous aidons dans les pays où ils se réfugient, que la situation humanitaire se dégrade de semaine en semaine. Ceux qui sont arrivés dans les premiers temps avaient fait le choix de partir, ceux qui arrivent maintenant n’avaient plus d’autre option – ils arrivent sans ressources et beaucoup moins préparés. Beaucoup d’entre eux souffrent de blessures physiques, mais ceux traumatisés par ce qu’ils ont vécu sont encore plus nombreux.
C’est pour cela que nous élargissons notre dispositif de réponse.
Nous avons renforcé nos équipes mobiles qui viennent en aide aux réfugiés les plus vulnérables et leur apportent l’information et le soutien dont ils ont besoin. Nous voulons à tout prix éviter que ces personnes (blessées, victimes de torture, en situation de handicap, isolées, âgées ou enceintes) n’aient pas accès à l’aide humanitaire. Cela arrive souvent dans des opérations humanitaires de grande envergure, parce que ces personnes nécessitent une réponse spécifique que les grandes organisations humanitaires ne sont souvent pas en mesure d’apporter.
Nous avons également adapté notre réponse pour prendre en compte la détresse psychologique croissante des réfugiés. Il est clair, d’après les évaluations que nous menons, qu’il est indispensable de permettre aux réfugiés de disposer d’espaces qui leur permettent de recréer des liens sociaux et de parler de ce qu’ils ont vécu. Nous allons commencer à organiser des activités récréatives pour les enfants des communautés que nous visitons, animées par un personnel spécialisé. Nous mènerons ouvrirons des discussions avec les personnes identifiées comme étant particulièrement fragiles, ainsi qu’avec leur famille et communauté. Ces discussions devront aboutir à une meilleure inclusion des personnes vulnérables et à une acceptation de leur situation, le cas échéant. Ces petits forums devraient également permettre aux communautés de partager leurs expériences et d’identifier des manières de s’entre-aider dans un cadre propice à l’échange.
Pourquoi l’inclusion est-elle si importante lorsqu’il s’agit d’aide humanitaire ?
Dans une situation d’urgence telle que celle-ci, presque tout le monde vulnérable. La réponse humanitaire générique cible donc l’ensemble des réfugiés, sur la base de leur statut. Mais nous constatons que certaines catégories de personnes peinent à accéder à l’aide humanitaire et nous faisons tout ce que nous pouvons pour y remédier.
Les personnes en situation de vulnérabilité accrue nécessitent une attention particulière. Pourtant, elles sont souvent négligées lors les opérations d’urgence.
C’est pour cela que nous avons travaillé, par exemple, avec les agences des Nations unies en Jordanie pour que la conception des installations des camps de réfugiés permettent l’accès aux personnes ayant des besoins spécifiques, notamment une mobilité réduite.
Les étrangers vivant en Syrie ne sont pas éligibles au statut de réfugié lorsqu’ils arrivent dans des pays avoisinants. Parmi nos bénéficiaires, on compte un nombre significatif de rapatriés libanais et jordaniens, mais également les communautés qui accueillent les réfugiés.
Que fait Handicap International pour venir en aide aux personnes handicapées ?
Nous nous assurons que les personnes en situation de handicap reçoivent les soins de réadaptation, l’appui psychosocial et les équipements (prothèses, orthèses, aides à la mobilité) leur permettant de s’adapter à leur nouvelle situation et de limiter leur handicap.
Mais dans une situation telle que celle-ci, il est également très important d’intervenir au stade où il est encore possible d’empêcher le développement d’un handicap permanent. Par conséquent, nous travaillons dans des cliniques et hôpitaux pour apporter des soins de réadaptation aux personnes blessées qui risquent de développer un handicap. Il existe en Jordanie et au Liban de formidables ressources humaines capables de fournir des services de réadaptation de qualité. Mais les hôpitaux sont surchargés et concentrent leurs efforts sur opérations les plus urgentes. C’est pour cela que notre appui est indispensable.