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Gaza: « Les populations ne peuvent supporter un jour de combat supplémentaire »

Urgence

Le cessez le feu de trois jours a permis à Handicap International et à ses partenaires de lancer des actions humanitaires indispensables aux populations, mais ces opérations sont aujourd’hui compromises par la reprise des combats.

Samah Abu Lamzy

Le cessez le feu de trois jours a permis à Handicap International et à ses partenaires de lancer des actions humanitaires indispensables aux populations, mais ces opérations sont aujourd’hui compromises par la reprise des combats. A la fin de la trêve de 72 heures, Samah Abu Lamzy, chef de projet pour Handicap International dans la bande de Gaza, décrit la situation humanitaire catastrophique et la nécessité d’une cessation durable des combats pour permettre aux organisations humanitaires de subvenir aux besoins de la population.

Après un mois de conflit, la première véritable trêve a commencé mercredi. Quelle est la première chose que vous avez faite ?

Durant quatre semaines, nous avons entendu les explosions incessantes, nous avons vu des gens fuir leurs quartiers dévastés pour s’entasser dans des abris collectifs, dans des hôpitaux qui croulaient sous les vagues de blessés... et nous étions pour ainsi dire impuissants, bloqués par les combats qui nous empêchaient de répondre aux besoins de ces populations.

Nous sommes tout de même parvenus à réaliser trois donations à l'hôpital principal de Gaza – du matériel orthopédique et des aides à la marche – mais surtout, nous nous sommes préparés et coordonnés avec nos partenaires, afin d'être en mesure de déployer des équipes mobiles dès la fin des combats. Depuis mercredi, nous avons ainsi pu envoyer neuf équipes composées de kinésithérapeutes, de travailleurs sociaux et psychosociaux, qui sont allés dans les cinq gouvernorats de la bande de Gaza pour identifier et répondre aux besoins des personnes déplacées, notamment en distribuant des aides à la marche ou en effectuant des séances de réadaptation. Notre personnel et tous les bénévoles de nos partenaires ici à Gaza font un travail fantastique. Vous ne pouvez pas imaginer la frustration de ces gens qui ont vu la situation humanitaire empirer tout en étant dans l’incapacité de sortir de chez eux pour apporter leur aide. Maintenant, nous avons eu cette trêve, mais elle doit durer. Pour que les travailleurs humanitaires puissent faire leur travail et pour que la population puisse se relever, nous avons besoin d'une paix durable, et pas seulement d’un cessez-le feu de trois jours.

Quels sont les besoins que vous avez observés lors de vos premières évaluations?

Dans les abris que nous avons visités, les gens étaient contraints de vivre dans des conditions d’hygiène déplorables. L’aide qu'ils ont reçu s’est résumait souvent à de la nourriture et à de l'eau, et parfois en quantité insuffisante. Pour les personnes vulnérables, notamment les personnes handicapées, cette situation n'est pas tenable. Beaucoup d'entre elles ont besoin - en plus de la couverture de leurs besoins de base – de médicaments, de séances de réadaptation, d’aides à la marche, afin d'éviter une dégradation sérieuse de leur condition.

Le niveau de stress est également très élevé et beaucoup de personnes auront besoin de soutien psychosocial pour surmonter la situation dans laquelle elles se trouvent aujourd’hui. Quatre semaines au milieu des explosions qui semblent toujours trop proches, des corps blessés ou morts transportés dans les rues, à apprendre la perte de proches ou à observer l'ensemble de son quartier réduit à l’état de gravats, cela ne laisse personne indemne. Ces dernières années, la population de Gaza a subi les guerres les unes après les autres, et dans les courtes périodes de paix elle devait encore faire face au blocus et à la dégradation croissante de ses conditions de vie. Psychologiquement, ces personnes ne peuvent pas supporter un jour de combat supplémentaire.

Qu’en est il de la situation des personnes blesses ? Existe-t-il un risque de voir certaines d’entre elles développer des handicaps permanents ?

Oui, nous sommes très préoccupés par le nombre de personnes qui devront vivre avec un handicap, soit directement à cause de leur blessure, soit parce qu'elles n'ont pas pu recevoir à temps l’ensemble des soins nécessaires. Il faudra un certain temps avant que nous puissions obtenir une évaluation précise de la situation, mais les premières évaluations partielles que nous entendons sont extrêmement préoccupantes. C’est toujours le cas lors de bombardements de zones densément peuplées, mais c’est encore pire lorsque les structures de santé sont dans l’incapacité d’absorber l’afflux de blessés – environ 10 000 en quatre semaines – dont un nombre important de blessures complexes et qui nécessiteraient un suivi approfondi et sur une certaine durée afin d’éviter le développement d'incapacités permanentes.

Et puis au-delà de cette situation, nous sommes également préoccupés par la présence probable de restes explosifs de guerre, qui pourraient menacer les populations qui retourneront vers les zones les plus lourdement bombardées. Handicap International prépare donc une mission d’évaluation de ces risques, mais encore une fois, nos équipes ne seront pas en mesure de mener à bien ce type d’opération si les combats se poursuivent.

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