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« Nous ne renonçons pas à une Terre sans mines»

Mines et autres armes

L'interdiction des mines est en vigueur depuis 15 ans. L’impact de cette victoire est spectaculaire : le nombre annuel des nouvelles victimes recensées a été divisé par cinq ; des milliers de km² de terres ont été « dépollués » et des dizaines de millions de mines ont été détruites. Retour sur cet événement par Jean-Baptiste Richardier, un de ses grands artisans.

Jean-Baptiste Richardier, co-fondateur d'Handicap International

Jean-Baptiste Richardier, médecin, directeur général et cofondateur de Handicap International, témoigne du combat contre les mines antipersonnel à l’occasion du 15e anniversaire de l’entrée en vigueur du Traité d’Ottawa. Une  avancée historique du droit international humanitaire dans laquelle Handicap International a joué un rôle décisif, au nom des victimes de ces armes, leurs familles et leur communauté. L’impact de cette victoire du droit sur la barbarie est aujourd’hui spectaculaire : le nombre annuel des nouvelles victimes recensées a été divisé par cinq ; des milliers de km² de terres ont été « dépollués » et des dizaines de millions de mines ont été détruites. Pourtant, cet anniversaire est aussi l’occasion de rappeler que la vigilance et la mobilisation doivent rester déterminées envers les Etats qui n’ont toujours pas adhéré au Traité comme les Etats-Unis, et bien sûr ceux qui, comme la Syrie, utilisent massivement ces armes interdites au mépris de leur propre population.

C’était en 1982. Handicap International intervenait dans les camps de réfugiés cambodgiens à la frontière thaïlandaise. Nous y voyions arriver tous les jours de nouvelles victimes des mines antipersonnel, des femmes, des enfants… On les appareillait et on leur apprenait à remarcher et à revivre. Mais au fil du temps, nous en avons eu assez d’humaniser un massacre programmé ; d'être ainsi impuissants face à l’utilisation d’une arme particulièrement barbare. Pour nous tous, soigner et réparer les victimes ne suffisaient plus !

De cette révolte face à un intolérable fléau naît en novembre 1992 la Campagne internationale pour interdire les mines antipersonnel (ICBL) fondée par six ONG. Handicap International fait ainsi alliance avec Mines Advisory Group (UK), Medico International (Allemagne), Human Rights Watch/Arms Project (US), Physicians for Human Rights (US) et Vietnam Veterans of America Foundation (US). S’ensuit une aventure humaine exaltante, une formidable épopée, au nom des victimes silencieuses de ces armes.

A l'époque, ce sont plus de 20 000 personnes qui sont tuées ou mutilées par ces armes chaque année ; parmi elles une majorité de civils et de très nombreux enfants. En à peine cinq années, la mobilisation de la société civile et de toutes les autorités morales permettra d'aboutir à la signature du Traité d'Ottawa, en décembre 1997, interdisant l'emploi, le stockage, la production et le transfert des mines antipersonnel. Pour la première fois dans l'histoire du désarmement, une arme conventionnelle était interdite ! Et quelques semaines plus tard, les efforts des ONG de la Campagne internationale contre les mines antipersonnel étaient récompensés par le prix Nobel de la paix.

Il y a quinze ans jour pour jour, le 1er mars 1999, le traité d’interdiction des mines antipersonnel entrait en vigueur, marquant ainsi un formidable progrès pour l’humanité toute entière. Aujourd’hui considéré comme  l'un des instruments du droit international humanitaire les plus efficaces, ce traité a ouvert la voie à d’autres ambitions !

Quel chemin parcouru en effet depuis la mobilisation d’une poignée d’individus ! Par notre obstination à agir au nom des victimes et cette première victoire,  nous avons conquis la légitimité indispensable pour entrer en rébellion contre un autre type d'arme conventionnelle, aux conséquences potentiellement plus effroyables encore sur les populations civiles, les bombes à sous-munitions (BASM). Et une décennie plus tard, en 2008, celles-ci sont aussi devenues illégales avec  l'adoption du Traité d'Oslo!

Le Traité d’Ottawa est un traité sous surveillance par les ONG de ICBL qui se sont mobilisées pour le rendre possible et son impact est considérable. Selon l’Observatoire des mines 2013:

  • 161 Etats sont Parties au Traité, soit plus de 80% des nations du monde
  •  plus de 4000 km² de terres minées ont été dépolluées
  • le nombre de victimes recensées a été divisé par cinq depuis l’entrée en vigueur du Traité: 3 628 nouvelles victimes ont été identifiées en 2012, soit une baisse de 19% par rapport à l’année précédente, alors qu’elles étaient près de 20 000 en 1999.
  • 70 millions de mines stockées par les Etats ont été détruites depuis 1999.

Aujourd’hui l’illégalité est devenue la norme, indiscutable, et une large majorité des états non-signataires se l’appliquent à eux- mêmes. Et pourtant la mobilisation ne doit pas faiblir ; elle ne doit pas faiblir afin que les États signataires ne renoncent pas à l'objectif final, celui de restituer  une Terre sans mines aux populations civiles. Elle ne doit pas faiblir car il est inacceptable qu’une nation comme les Etats-Unis refuse toujours d’adhérer au Traité, servant ainsi de confortable alibi à la trentaine d’Etats qui constituent un front du refus de moins en moins crédible ; on ne compte plus en effet les militaires de haut rang qui reconnaissent que les mines n’ont jamais changé le cours d’un conflit!

Pourtant les champs de mines encore présents dans 71 pays et territoires continuent de blesser et tuer. Toutes les deux heures, une nouvelle victime de ces armes est recensée dans le monde et plus des trois quarts de ces victimes sont des civils et près de la moitié d'entre elles sont des enfants. Face à la réalité des populations menacées par ces armes, dans chaque geste quotidien, aucun argument n’est recevable pour justifier de rester en retrait de la communauté des Nations.

La célébration de ce 15ème anniversaire de l’entrée en vigueur du Traité d’Ottawa est l’opportunité - pour  Handicap international et toutes celles et ceux qui soutiennent notre fidélité à cet engagement - d’appeler la communauté internationale à aller jusqu’au bout de l’ambition du Traité d’Ottawa et des obligations contractées : en  poursuivant l'effort de déminage des pays pollués  pour éradiquer la menace que font encore peser les mines antipersonnel sur les populations ; en intensifiant l'assistance aux survivants et à toutes les familles victimes de ces « déchets de guerre » ; et en interpellant sans concession les derniers États non Parties au Traité.

Depuis plus de 30 ans, Handicap international intervient sans relâche pour le déminage des terres, la sensibilisation des populations aux dangers qui les menace, l'appareillage des victimes et leur inclusion au sein de leur communauté. Notre organisation est ainsi devenue un témoin et un porte-parole écouté sur la scène internationale,  pour que  les victimes de cette barbarie humaine ne glissent pas dans l'oubli et le fatalisme d'où une alliance historique - scellée entre le Canada soutenu par quelques gouvernements visionnaires, une poignée d'ONG déterminées et des centaines de milliers de citoyens - ont réussi à les faire sortir.

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