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6 - Des pieds beaux

Sixième épisode de notre série de l'été sur les pas de Didier Demey

Tenzin

Tenzin | © HI

Tibet [2006]

Tenzin est née avec des pieds bots. Dans le village, quelqu’un a cru pouvoir les redresser avec des onguents, des bouts de tissu et de l’encens que l’on brûle en récitant des mantras. Ça n’a pas fonctionné. Du coup, quand elle s’est mise debout pour marcher comme les autres enfants de son âge (mais avec les pieds en dedans), les os ont dit que ok, ce n’est pas comme ça qu’on est censés être, mais si c’est bon pour vous, nous ça nous va. Et les os sont restés là, pas à la bonne place, et ils ont grandi. Et les pieds de Tenzin se sont déformés de façon telle que lorsqu’elle est arrivée chez nous, il était trop tard pour les remettre en place avec nos mains, nos plâtres et nos attelles.

Nous avons dû faire appel à une équipe de chirurgiens orthopédistes canadiens, de passage sur les Hauts-Plateaux. Ils ont fait ce que les chirurgiens orthopédistes font le mieux : couper, tirer, pousser et couper encore jusqu'à ce que ça rentre juste bien comme il faut avec, si besoin, un petit coup de marteau par-ci par-là. Puis ils ont mis des broches (pour apprendre aux os comment se tenir bien à cette place qui est la leur), des points de suture et un plâtre par-dessus (pour qu’on puisse écrire et dessiner des trucs dessus). Et ils nous ont dit : dans 15 jours, vous enlevez le plâtre, les points de suture, redressez un peu plus le pied, puis replâtrez. Et 15 jours après, ce sera au tour des broches ; suffit de tourner puis de tirer d’un coup sec. Et un dernier plâtre. Is that ok ? Heu… ouais, ouais, tranquille, no worry, no worry (sic).

15 jours après l’opération, Tenzin arrive en salle kiné. Elle sait très bien pourquoi elle est là (enlever un plâtre, puis une vingtaine  de fils qui sont dans sa peau depuis 2 semaines et ont commencé à s’y faire, et remettre un plâtre en poussant sur des os qui ont été malmenés). Un adulte normalement constitué, il a la moitié de ça au menu de sa journée, on lui demande s’il veut du rab, il dit non merci et il met ses petites baskets. Tenzin, du haut de ses 8 ans, non…  Alors que je m’approche avec cette machine qui coupe les plâtres en faisant un bruit de tronçonneuse mal huilée, elle me regarde en tenant à peine la main de sa maman et m’adresse un regard un peu humide qui dit : « je ne bougerai pas quand tu feras ta besogne, mais applique toi parce que si tu dérapes, ton grand nez de travers, là, je te le redresse à coup de plâtre ».  Je me suis appliqué, elle n’a pas bougé et j’ai fait ma besogne.

Dans mon dico, à la définition de courage, j’ai mis une photo de Tenzin ; franchement, je trouve que c’est plus correct.
 

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