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Je veux que mes petits-enfants grandissent sur la terre de mes aïeuls

Mines et autres armes
Sénégal

En 1992, Mansata a dû fuir le village de Bissine, au Sénégal, à cause de la violence armée. Trente ans plus tard, elle est revenue y vivre en sécurité avec ses enfants et ses petits-enfants.

Portrait d'une femme âgée habillée de robe et de foulard colorés, assise à l'ombre d'une paillotte. Elle regarde vers la gauche et tient ses mains dans son giron.

Mansata Diedhiou dans sa maison à Bissine, Sénégal. | © A. Faye / HI

Mansata Diedhiou approche tranquillement de ses 90 ans. Si elle ne voit plus bien de l’œil droit et se déplace difficilement à l’aide d’un bâton, ses souvenirs sont toujours vifs lorsqu’elle raconte ce qu’elle a vécu au cours des trente dernières années. Son parcours reflète les épreuves vécues par les habitants de Bissine, chassés de chez eux par les conflits et qui peuvent enfin revenir sur leurs terres en toute sécurité, grâce aux opérations de déminage de Handicap International.

Du jour au lendemain, l’exil

Mansata entourée de sa belle-fille Mariama et de deux de ses petits-enfants, Dieynaba et Malik. © A. Faye / HIMansata est née à Bissine et elle est restée y vivre avec son mari et leurs huit enfants, quatre filles et quatre garçons. La vie s’écoule paisiblement dans ce village casamançais situé sur un axe économique stratégique de la région. La terre y est riche et approvisionne généreusement les habitants. Mais tout change le 9 octobre 1992, quand le conflit qui oppose l’armée sénégalaise aux combattants du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance rattrape les Bissinois.

« Ce jour-là, des hommes sont venus incendier la maison et ils ont tué trois jeunes du village. Avec mon mari et les enfants, nous nous sommes enfuis vers la Guinée. »

Mansata raconte que sa famille a été bien accueillie en Guinée, où les autorités leur ont fourni de quoi se nourrir pendant deux ans. La famille se débrouillait : ils défrichaient les champs, étaient employés dans des rizières ou dans la récolte d’anacardes. Souvent, ils travaillaient deux jours sur trois au seul profit des propriétaires et ne récoltaient qu’une maigre part du fruit de leurs efforts. Mansata se souvient de certaines rencontres malheureuses, avec des personnes peu scrupuleuses qui n’hésitaient pas à profiter de leur détresse.

« Les enfants trouvaient du travail de débroussaillage dans des parcelles, mais quand ils avaient fini, on se faisait expulser par les propriétaires. On devait de nouveau chercher à se loger et à travailler. »

Le retour à la maison

Portrait de la petite Dieynaba, 3 ans, fille de Mariama. © A. Faye / HIC’est en 2014 que Mansata quitte la Guinée pour rentrer à Ziguinchor avec sa famille. Si le premier pas vers un retour au village est source de joie, il est aussi teinté de quelques souvenirs doux-amers. Car dans ce nouveau déplacement, une fois encore la famille laisse derrière elle une part d’elle-même. Aujourd’hui encore, Mansata se souvient très bien des jeunes citronniers qu’elle a plantés en Guinée mais dont elle n’aura jamais goûté les fruits.

C’est finalement en 2020 qu’elle revient pour la première fois à Bissine, accompagnée de deux de ses fils et de leur famille. Ses autres enfants vivent dans des villages proches ou dans de grandes villes plus distantes comme Kolda, Thiès ou Dakar.

« Je voulais revenir, pour que mes enfants et les jeunes aient aussi quelque chose qui leur appartienne, pour qu’ils puissent subvenir à leurs besoins et vivre dans leur propre village. »

C’est cette même année 2020 que plusieurs groupes de déplacés commencent à revenir à Bissine. Or le village n’est pas sûr car il y reste encore de nombreux engins explosifs, vestiges des affrontements passés. Les habitants pressent le Centre national d’action antimines au Sénégal (CNAMS) d’agir pour garantir leur sécurité. C’est ainsi qu’en 2022, Handicap International est chargée de mener des opérations de déminage à Bissine. Pendant quatre mois, l’organisation y travaille, permettant la remise à disposition de près de 95 000 m² de terre et la destruction de 15 engins explosifs.

Une vie meilleure

Mariama cuisine pour la famille. © A. Faye / HIAujourd’hui, Mansata et sa famille vivent de nouveau sur leurs terres. Ses deux fils sont devenus maçons et ils participent à la reconstruction du village. Mariama, belle-fille de Mansata, explique :

« Mon mari m’avait raconté comment la guerre les avait chassés du village, lui et sa famille. Quand la population a décidé de revenir, nous avons suivi. Quand je suis arrivée, on m’a dit que toutes les mines avaient été enlevées et je voyais bien que les gens vivaient sans crainte, donc moi non plus je n’ai pas peur. Je veux rester vivre ici, j’y suis heureuse. Je cultive des patates douces, du manioc, mon mari a planté des pastèques… La vie est meilleure ici, nous avons plus de ressources. »

Et Mansata de conclure, avec un sourire :

« Ici, personne ne va m’embêter, je suis sur les terres de mes aïeuls. C’est mon souhait, que mes petits-enfants grandissent à Bissine. Ici, on vit tranquille. »

Le Sénégal estime l’étendue de la contamination liée au conflit en Casamance à 1 200 000 m² de terres, réparties sur cinq départements. En mai 2022, Handicap International a redémarré des opérations de déminage en Casamance, où l’association avait déjà libéré plus de 900 000 m² de terres depuis 2008. Grâce à ses deux projets actuels, Handicap International remettra à disposition 800 000 m² de terres d’ici à 2025, pour contribuer à réinstaurer la sécurité et la prospérité socioéconomique des communautés dans les régions de Ziguinchor et de Sédhiou.

Publié le : 15 avril 2024

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