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La mine : une arme complètement obsolète

Prévention

Six États prévoient de se retirer du Traité d’Ottawa afin d’utiliser des mines antipersonnel pour défendre leur territoire. Gary Toombs, spécialiste en neutralisation d’engins explosifs pour Handicap International, explique pourquoi utiliser des mines comme outil de sécurité aux frontières est devenu obsolète de nos jours.

Mines

Exemples de mines trouvées par les équipes de déminage de Handicap International dans la région de Ziguinchor. En mai 2022, l'ONG a commencé des activités de déminage en Casamance, dans le sud du Sénégal. Depuis 2008, l’organisation a déjà déminé près de 470 000 m² de terres. Ces opérations permettent aux communautés de retrouver l’accès aux villages, aux écoles et aux centres de santé. | © A. Sawadogo / HI

Pourquoi les mines représentent-elles encore un problème mondial majeur ?

Les mines restent l’un des héritages les plus dévastateurs des guerres. Selon le rapport Landmine Monitor 2024, plus de 5 700 personnes ont été tuées ou blessées par des mines et autres restes explosifs de guerre en un an, dans 55 pays. 84 % des victimes sont des civils, et plus d’un tiers sont des enfants.


Pourquoi les mines sont-elles particulièrement pernicieuses ?

Leur déséquilibre entre coût et conséquences : une mine peut être fabriquée pour 3 $, mais son retrait peut coûter plus de 1 000 $. Elles causent aussi des dommages environnementaux à long terme (pollution des sols, sources d’eau contaminées, terres inutilisables pendant des décennies).


Les mines sont-elles encore efficaces pour bloquer l’avancée des troupes, comme certains États le disent ?

Historiquement oui, mais aujourd’hui, leur efficacité est réduite par les nouvelles technologies militaires : imagerie satellite, drones, capteurs au sol, etc. Les opérations de minage sont désormais repérables en temps réel et peuvent être contournées ou neutralisées très rapidement avec des équipements spécialisés.


Que signifie “très rapidement” ?

Les opérations de franchissement de champs de mines sont désormais mesurées en minutes. Par exemple, un champ de mines d’un kilomètre peut être traversé en moins de 5 minutes grâce à des charges linéaires et des véhicules blindés.


Comment les mines sont-elles utilisées ?

Il existe quatre types principaux :

  • Faux champs de mines, pour dissuader ;

  • Champs tactiques, pour influencer l’adversaire ;

  • Champs de nuisance, pour ralentir ;

  • Champs de protection, pour défendre une position.

Elles sont souvent accompagnées d’autres obstacles (trous antichars, dents de dragon, feux croisés).


Les mines russes ont-elles freiné la contre-offensive ukrainienne ?

Oui, mais pas de manière décisive. Sur les lignes mouvantes du front, les Russes ont déployé des “ceintures d’obstacles” combinant mines antipersonnel et antichar. Cela perturbe, mais ne bloque pas une armée bien équipée.


Les mines “non persistantes” sont-elles plus sûres ?

Pas du tout. Même les mines “intelligentes” qui sont censées s’auto-détruire échouent souvent. Par exemple, le système américain CBU-89 a montré un taux d’échec de 6 à 21 %, largement au-dessus du seuil accepté (0,1 %). Ces dispositifs sont toujours dangereux pour les civils et les démineurs.


Y a-t-il une différence selon vous ?

Du point de vue humanitaire, non. Une mine qui ne s’auto-détruit pas reste tout aussi mortelle. Ces systèmes introduisent de nouveaux risques sans régler le problème fondamental.


Des cartes précises des champs de mines faciliteraient-elles leur déminage ?

En théorie oui, mais en pratique non. Les cartes deviennent obsolètes à cause de l’érosion, des intempéries, des animaux... En Bosnie ou au Cambodge, les positions des mines ne correspondent souvent plus aux cartes officielles. Le déminage manuel reste indispensable.


Des alternatives aux mines sont-elles développées ?

Oui. Des systèmes comme la “barrière intelligente” de la Finlande (caméras thermiques, capteurs, surveillance en temps réel) ou des postes d’armes téléopérés, drones ISR, capteurs infrarouges et patrouilles mobiles dotées d’intelligence artificielle sont des options bien plus sûres et efficaces.


S’agit-il d’un réel besoin défensif ou de posture politique ?

Les préoccupations sécuritaires sont réelles, mais le recours aux mines relève souvent d’une doctrine dépassée ou de pressions politiques internes. Les alternatives modernes offrent sécurité, contrôle, et respect du droit international sans conséquences humanitaires à long terme.

 

 

Gary Toombs
Spécialiste en neutralisation d’engins explosifs pour Handicap International

 

 

Publié le : 9 juillet 2025

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