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«Je voulais un métier utile»

Réadaptation
Cambodge

C’est en 1982 que Handicap International a débuté au Cambodge son action dans le champ de la réadaptation physique. Depuis 1991, les autorités cambodgiennes ont demandé le soutien de différentes ONG pour organiser une couverture globale du pays avec des centres de revalidation physique. Sur les onze centres du pays, deux sont gérés par la section belge de Handicap International et un par sa section française. Ces centres offrent à leurs nombreux patients des services de qualité en revalidation physique, qu’il s’agisse de production/réparation d’appareillage, de kinésithérapie, de suivi social ou de suivi à domicile, après le retour du centre ou par exemple pour améliorer l’accessibilité d’une maison. 

Channy et son épouse Sokun réalisent un moulage pour une prothèse

L’adolescent qui se trouve sur le lit semble absent. Calme, il regarde en l’air et ferme parfois les yeux un instant. Au bout du lit, une jeune orthopédiste est penchée sur sa jambe. Cette dernière est très fine et plus courte que l’autre. Elle a aussi été munie d’un fin collant, Appliquée, l’orthopédiste prend des mesures précises et inscrit de nombreuses indications sur le collant. Cette tâche terminée, elle fait appel à un collègue. Ensemble, ils réalisent un plâtre et le coupent quelques minutes plus tard. Ce moule réalisé en négatif permettra de créer une réplique fidèle de la jambe du garçon, sur base duquel une orthèse sur mesure sera réalisée.

Si la tâche est basique, quelque chose dans ce travail est touchant, car les deux jeunes gens se comprennent sans un mot. Le geste précis, ils progressent de façon posée et rapide. La complicité qui les unit est palpable. Un instant plus tard, l’adolescent peut s’en aller, les orthopédistes vont maintenant pouvoir utiliser le moule réalisé pour fabriquer une orthèse. Bien plus efficace que les médecines traditionnelles tentées jusque là – en témoignent de nombreuses marques de brûlures sur son ventre – l’orthèse permettra au garçon de marcher à nouveau malgré la maladie qui l’affecte depuis ses 5 ans.

La salle où Channy et Sokun prennent une pause est calme, mais les ventilateurs ne parviennent pas à chasser la chaleur qui pèse sur la ville depuis le matin. Tous deux sont des symboles de réussites : jeunes et beaux, ils ont décroché leur diplôme d’orthopédistes et leur travail est très apprécié. Lorsqu’il leur est demandé de raconter leur parcours, ils s’expriment calmement, en se cédant régulièrement la parole.

En 2001, Channy a débuté son cursus à l’école cambodgienne d’orthopédie. Un double objectif l’avait poussé à suivre cette voie : l’aspect manuel du travail ainsi qu’un sens social poussé. Réparer des motos, d’autres que moi peuvent le faire. Je voulais faire quelque chose d’utile et de nécessaire. C’est pour cela que j’ai décidé d’aider les personnes handicapées en entamant ces études.

Sokun opine et appuie le discours de Channy : Dans notre pays, beaucoup de gens sont amputés ou souffrent d’un handicap. C’était important pour moi aussi d’essayer de les aider. Vous savez, ici, les personnes handicapées ne reçoivent quasi pas d’aide. Or, perdre une jambe, c’est quasi automatiquement perdre tous revenus car la plupart des gens travaillent aux champs. Donc, leur permettre d’avoir à nouveau une jambe, c’est leur offrir la possibilité d’exercer à nouveau un emploi et donc, soutenir toute la famille.

Sokun a donc suivi le même parcours que Channy, mais avec deux ans d’écart. Elle a d’ailleurs fait sa connaissance durant sa première année, alors que Channy suivait alors sa dernière année. Ils se sont alors liés d’amitié.

Toutefois, le cursus était devenu encore plus compliqué pour Sokun car pour la première fois, les cours étaient donnés en anglais. Une évolution due à l’internationalisation de l’école qui accueillait de plus en plus d’étudiants étrangers. Difficile d’apprendre l’anatomie et les nombreux termes techniques dans une langue si éloignée de la sienne… D’autant que l’oral ne suffisait pas : des examens écrits ponctuaient les études. Pourtant, Sokun a passé toutes les épreuves avec succès et décroché son diplôme.

Dès la fin de leurs études, Channy et Sokun ont postulé chez Handicap International où ils ont décroché un emploi. L’organisation est d’ailleurs partenaire de l’école d’orthopédie de Phnom Penh. Pour l’organisation, il s’agit là d’une occasion pour découvrir de nouveaux talents et pour leur permettre de mettre leurs connaissances en pratique. Le recrutement de Cambodgiens dans les centres permet aussi l’augmentation des capacités nationales et facilite l’autonomisation progressive des centres de revalidation.

Si Channy et Sokun ont tous deux été recrutés par Handicap International, ils ne travaillaient pas pour autant ensemble. Channy travaillait à Siem Reap, dans le nord du pays, tandis que Sokun travaillait au Sud, à Takéo. Cela n’a pas empêché les deux jeunes gens d’apprendre à se connaître et à s’apprécier de plus en plus.

Lorsque Sokun a finalement rejoint le centre de Siem Reap, c’était pour un stage de six mois… durant lequel Channy était parti pour une année de formation au Sri Lanka. A l’époque, le centre de Siem Reap n’occupait qu’une seule femme alors qu’il y en avait plusieurs à Takéo. C’était une situation problématique car la pratique de notre métier peut mener à des situations un peu difficiles. Il faut souvent remonter assez haut sur la cuisse et dans notre pays, il est inconcevable qu’un garçon doive poser ce geste sur une fille ou qu’une fille mène à bien cette tâche seule avec un garçon, m’explique Sokun. J’ai donc postulé et obtenu de travailler de façon définitive à Siem Reap, où j’habite désormais avec Channy.

Car c’est aussi durant cette période d’éloignement que les deux jeunes gens ont choisi d’unir leur destin…

Mais au fond, est-ce que ce n’est pas difficile de vivre et de travailler ensemble ? Est-ce qu’il n’arrive pas qu’ils se tapent dessus à force ? (rires…) Non, au contraire. On se connaît très bien, et on connaît très bien notre métier. Ca rend les choses très agréables : on se comprend, on peut s’épauler et se soutenir en cas de besoin.



 

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