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L’importance des services de santé mentale renforcée par la pandémie

Santé

Une bonne santé mentale n'est pas seulement l'absence de problèmes, c'est aussi la capacité de mener une vie pleine et créative et la flexibilité nécessaire pour relever les défis de la vie. Malheureusement, beaucoup de facteurs peuvent avoir un impact négatif sur la santé mentale : les conséquences des crises humanitaires, la violence, l’exclusion, un accident… Entretien croisé avec Davide Ziveri et Maximilien Zimmermann, spécialistes de la santé mentale et psychosociale.

Groupe de parole dans le camp de Juba, au Soudan du Sud. Fortunate, agent psychosocial : "Nous organisons ces sessions hebdomadaires pour que ces femmes puissent d'abord partager leurs problemes dans le camp avec les autres femmes. "

Philémon a été victime d'un accident et a dû être amputé. Encore très marqué, il reçoit un soutien psychologique en plus d'un traitement de réadaptation | P. Meinhardt / HI

Depuis quand parle-t-on de santé mentale chez Handicap International ?

Max : En fait depuis les premiers projets de l’organisation en 1982 ! Mais il est vrai que les projets de santé mentale ont monté en puissance et en volume ces dernières années et aujourd’hui, on en compte  dans plus de 30 pays ou contextes.

Davide : Nous avons une vision globale mais il est vrai que l’on peut avoir des modes d’actions différents selon que les besoins et les contextes dans lesquels nous travaillons.  Il peut s’agir d’un soutien direct aux personnes, qu’on va plutôt retrouver dans les situations de crise – conflits, catastrophe naturelles –alors que dans les actions de développement,  nous allons privilégier un appui pour développer des politiques de santé mentale inclusives, renforcer les services, ainsi que les compétences des professionnels. Nous  travaillons aussi dans des projets plus transversaux liés à d’autres activités telles que  la réadaptation, la protection et l’éducation, afin d’accompagner les personnes handicapées et leur famille.

La santé mentale peut susciter des réticences. Vous le ressentez ?

Davide : Certainement ! Nous avons constaté des résistances - dans notre travail avec les autorités notamment. D’une part parce que ce domaine est vu comme « quelque chose pour les fous » alors qu’en réalité cela recouvre un large spectre des difficultés et des réponses possibles, depuis une détresse psychologique suite à un événement, au défi de vivre dans une situation marquée par la violence, la pauvreté, jusqu’aux maladies mentales. D’autre part aussi parce que certains pays ont peur que cela n’agisse comme révélateur d’un contexte qui provoque cette détresse ou exacerbe des maladies.

Max : La stigmatisation existe aussi chez les patients, leur entourage. C’est parfois difficile de dire que l’on souffre. Le stigma pose une vraie barrière d’accès aux services, nos équipes y sont confrontées tout le temps.

Mais l’épidémie de coronavirus a un peu changé la donne…

Max : Oui. Elle a permis de montrer le besoin, la nécessité des services de santé mentale. En fait, ce n’est pas tant le virus en lui-même qui pose problème, que les conséquences des mesures prises.  Les moyens ont d’abord été mis sur la santé physique et la limitation de la propagation du virus, avec des mesures de restriction de mouvement,  voire même de confinement. Ce sont ces mesures qui ont eu un impact psychologique important. L’épidémie a permis de dé-stigmatiser la santé mentale. Et aujourd’hui, certains qui étaient réticents à développer des services de santé mentale revoient leur position.

Vous soulignez tous les deux l’importance du contexte…

Max : Effectivement !  Dans nos pays, on parle beaucoup de bien-être mais dans d’autres contextes culturels, on n’exprime pas ses sentiments. Cela ne se fait pas.

Davide : Mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas des mécanismes d’aide. D’un autre côté, l’OMS prône des réponses globales, applicables partout afin de couvrir l’énorme manque de services. Donc quand nous mettons en place des projets, nous devons trouver un équilibre entre ces outils globaux – qui peuvent même être perçus comme exclusivement issus d’une approche occidentale – et des solutions locales qui fonctionnent. Il faut que chaque modèle trouve sa place, c’est un dialogue constant. Cela demande du temps, de l’engagement, il n’y a pas de solutions toutes faites. Jamais !

 

Publié le : 7 octobre 2020
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