Dossier : réadaptation physique, luxe ou nécessité ?
A première vue, la réadaptation ne semble pas une cause attirante. Elle ne remplit pas d’estomacs affamés, elle ne vaccine aucune population et n'arrête pas les bombes. D’où la question : à quel point des soins de réadaptation physique de qualité et abordables sont-ils nécessaires ?
H.I. a réalisé un essai clinique d'impression d'orthèses en 3D dans le cadre du projet IMPACTE 3D au Togo, Niger et Mali. | X. Olleros - HI
Aujourd’hui, 400 millions de personnes ont besoin de soins de réadaptation mais n’y ont pas accès. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ce nombre devrait encore augmenter : nous vivons plus longtemps et souffrons davantage de maladies chroniques. Les systèmes des soins de santé doivent se préparer pour faire face à une explosion des besoins en réadaptation dans les prochaines années.
“Si les personnes porteuses d’un handicap n’ont pas accès à la réadaptation, beaucoup ne pourront pas aller à l’école, trouver du travail, ou participer activement à la vie de la communauté. Elles ne pourront pas développer pleinement leur potentiel” Catalina Devandas-Aguilar, Rapporteur spécial auprès des Nations unies pour les droits des personnes handicapées.
Les 17 objectifs de développement durable* - ou ODD – grâce auxquels les Nations unies veulent aboutir à un développement durable pour tous les habitants de la planète, mentionnent onze fois les personnes handicapées.
Peut-on considérer les soins de réadaptation comme un luxe, sachant que les personnes les plus vulnérables seront plus autonomes grâce à ceux-ci ? Plus d’autonomie et de participation signifient aussi plus de chance sur le marché du travail, moins de dépenses pour d’autres soins, moins de problèmes psychologiques. Investir dans un système de réadaptation est donc rentable à long terme.
Comment améliorer l’accès à la réadaptation ?
En 2010, un séisme a ravagé l’un des pays les plus pauvres de l’hémisphère nord : Haïti. Le pays ne compte alors quasi pas de centres de réadaptation physique et seulement 13 kinésithérapeutes diplômés. Et il faut accueillir plus de 200 000 blessés du jour au lendemain. Sibille Buehlmann coordonne les projets de réadaptation de Handicap International (H.I.) en Haïti. Quels sont les plus
grands défis, selon elle ? « Il y a beaucoup de personnes qui ont besoin de soins mais qui n’accèdent pas aux soins en raison de problèmes financiers, de la distance entre leur domicile et le centre, ou l’impossibilité pour un membre de la famille de les accompagner. Un autre problème est le manque de reconnaissance de la réadaptation et des prestataires de soins. »
Haïti est l’un des 39 pays où H.I. mène des projets de réadaptation physique. En fonction de l’importance des besoins, notre organisation met en place une ou plusieurs actions durables pour améliorer l’accès aux soins :
- la kinésithérapie et la distribution d'aides techniques (orthèses, prothèses, chaise roulante,...) ;
- la formation et l’accompagnement du personnel de santé et le soutien aux infrastructures locales ;
- le soutien aux autorités régionales et nationales dans l’élaboration de politiques inclusives et de stratégies sanitaires ;
- la réadaptation à base communautaire.
Réadaptation rime avec innovation
Malgré notre engagement, nous devons constater que des millions de personnes n'ont toujours pas accès à la réadaptation physique. Les experts en réadaptation de H.I. sont chaque jour davantage convaincus que l'utilisation des technologies novatrices peut amener un vrai changement.
En Bolivie, à Madagascar ou en Haïti, des projets pilotes ont été lancés pour tester la télé-réadaptation ou réadaptation à distance. À l'aide d'une application sur un smartphone,le kinésithérapeute prescrit des exercices à ses patients et enregistre leur progression.
Et après des premiers essais au Togo, Mali et à Madagascar, la recherche sur l'impression d'appareillages orthopédiques en 3D se poursuit en Ouganda.
“Cette technique permettra – grâce à des délais de fabrication plus courts – d'atteindre plus de patients. Nous pensons ici également à ceux qui vivent dans des zones éloignées, où il n'y a pas de centre de réadaptation physique." Christophe Van Geel
" Nous sommes actuellement en phase de recherche, parce que nous devons nous assurer que cette technologie convienne au contexte humanitaire de nos interventions, en fonction du principe “do no harm” (“ne pas nuire”)” explique Christophe Van Geel, qui suit le projet depuis Bruxelles en tant que spécialiste en orthopédie.“Les premières conclusions sont très encourageantes. ”