Les femmes couturières combattent les préjugés
Trois fois par semaine, Françoise Sincère donne des cours de couture au centre Sant Kore Lavi à Carrefour, un quartier de Port-au-Prince. De la formatrice ou des étudiantes, il est difficile de dire qui est la plus motivée. Mais le fait qu’elles soient toutes en situation de handicap, contribue sans doute à renforcer cette motivation.
Trois fois par semaine, Françoise Sincère (42 ans) donne des cours de couture au centre Sant Kore Lavi à Carrefour, un quartier de Port-au-Prince. De la formatrice ou des étudiantes, il est difficile de dire qui est la plus motivée. Mais le fait qu’elles soient toutes en situation de handicap, contribue sans doute à renforcer cette motivation.
Françoise, institutrice, a perdu sa jambe lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010. Elle a passé six mois au centre de réadaptation de Handicap International, où elle a été appareillée. « J’ai toujours la prothèse que j’y ai reçue » dit-elle. Ensuite, grâce à l’intervention de l’organisation, elle a pu s'inscrire pour une formation couture. Handicap International avait poussé pour que l’école accepte Françoise et sept autres personnes, également handicapées suite au séisme.
« J’ai appris comment utiliser la machine industrielle et la machine domestique», raconte Françoise. Maintenant elle a un petit business, elle confectionne des uniformes d’école pour les enfants. « Je suis très contente. Avant le tremblement j’étais commerçante, mais ce n’était plus possible. A cause de mon handicap je n’arrivais plus à aller au marché. Grâce à la couture, j’arrive à prendre en charge ma fille de sept ans. »
Mais ce qui lui rend vraiment fière, c’est le fait qu’elle soit formatrice. Elle a dix élèves qui seront bientôt capables de travailler comme couturières. « Les femmes s’éclatent et sont très motivées : elles apprennent un métier, elles se sentent utiles et c’est aussi un moment pour partager des expériences. »
Mireille Dessabe (52 ans) est l'une de ces élèves. Avant le séisme, elle était infirmière. Mais maintenant elle n’est plus capable d'exercer son métier. « J’étais gravement blessée », explique-t-elle. « Malgré une réadaptation intense, je n’arrive pas à utiliser mes mains et mes pieds comme avant. Marcher, porter des choses lourdes …, est devenu beaucoup plus difficile. Je laisse tomber plein de choses. »
Son mari n’a pas survécu le tremblement de terre, donc Mireille est seule pour s’occuper de ses cinq enfants. Elle est dépendante de l’aide qu’elle reçoit. « J’apprends la couture, parce que j’ai envie de travailler et surtout parce que je veux mieux vivre. »
Françoise montre les uniformes que Mireille a cousus. « Elle est prête », dit l’institutrice. « Mais maintenant, le vrai défi commence. Pour chaque Haïtien, handicapé ou pas, il est difficile de trouver du travail. C’est encore pire pour les personnes handicapées, même si ces femmes sont capables de faire exactement la même chose que des couturières valides. Là, il y a encore beaucoup de boulot à faire : sensibiliser les entreprises pour qu’elles engagent aussi des personnes en situation de handicap. En tout cas, moi je suis prête à me battre et à faire passer ce message ! »