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Ty Pisith: «Combien de vies sauvées?»

Mines et autres armes Prévention
Cambodge

La clé dans le domaine des engins non explosés, c’est l’information. Cette phrase, qui peut paraître surprenante, est le leitmotiv des collecteurs de données du CMVIS. Sans relâche, ils quadrillent les grandes étendues cambodgiennes afin de rencontrer les rescapés de nouveaux accidents de mines et d’engins non explosés.

Ty Pisith: "Combien de vies sauvées?"

La clé dans le domaine des engins non explosés, c’est l’information. Cette phrase, qui peut paraître surprenante, est le leitmotiv des collecteurs de données du CMVIS. Sans relâche, ils quadrillent les grandes étendues cambodgiennes afin de rencontrer les rescapés de nouveaux accidents de mines et d’engins non explosés.

Ty Pisith est la personne qui collecte l’information sur les accidents de mines et engins non explosés pour la province de Pailin et un district de Battambang. C’est la région du pays qui a la plus haute densité d’accidents par rapport au nombre d’habitants : 65 pour 100.000 en 2007. Dans la région, très boisée jusqu’il y a peu, des champs de maïs ou de manioc occupent désormais l’essentiel du paysage, la population gagnant du terrain en brûlant régulièrement des parcelles supplémentaires sur les forêts.

Pisith est la seule femme que compte l’équipe de 17 collecteurs d’informations du CMVIS. Ce petit bout de femme cache une fonceuse dont le sourire éclatant tranche sur une peau très foncée. Son métier, elle le résume en quelques phrases. Ma fonction est de collecter toutes les données relatives à des accidents de mines ou engins de guerre non explosés dans la région. Pour cela, le rencontre les victimes de mines et leur entourage. Ces informations serviront à permettre le travail de déminage et la prévention de nouveaux accidents.

Pour l’heure, Pisith se rend dans le petit village de Sou Ampeuh, à une quinzaine de kilomètres de la Thaïlande, où un accident a récemment impliqué trois enfants. C’était le 5 août. Phissey, une petite fille de 5 ans, était occupée à jouer derrière la maison en compagnie de Samy, son voisin de 6 ans. La maison est petite, en bambou, et à quelques mètres de là, une petite cabane a été récemment construite, qui sert d’abri pour les poules. Courant autour de l’abri, Phissey s’est soudain arrêtée en découvrant un objet bizarre. C’était un petit objet en métal. C’était amusant car quand je le secouais, il faisait du bruit. Je me suis demandé ce qu’il y avait dedans et on a donc voulu l’ouvrir… mais avec Samy, on n’y est pas arrivés. On a donc demandé de l’aide à son frère Rothma, qui est grand et qui a un couteau.

Installées dehors, à l’ombre bienfaisante d’un arbre, Pisith, Phissey et sa maman continuent leur discussion qui durera une petite demi-heure. La main enroulée dans un gros bandage blanc, Phissey est un peu intimidée mais poursuit son récit, encouragée par sa maman.

Rothma a pris son couteau et il l’a glissé dans l’engin. C’est à ce moment que ça a éclaté. Phissey a eu de la chance : elle était à quelques mètres. Un éclat lui a frappé la main, mais elle devrait pouvoir retrouver peu à peu la mobilité de ses doigts. Pour les deux garçons par contre, les conséquences sont plus graves. Tous deux ont donc été transférés directement à un hôpital situé à Battambang, spécialisé en chirurgie.

Tandis que Pisith rencontrait le voisinage et la famille, c’est le collecteur d’information du CMVIS à Battambang qui a rencontré les deux garçons pour avoir leur version du drame et mieux comprendre les événements. D’une soixantaine d’année, Hen Chan a une poigne solide et de sa casquette, vissée sur la tête, sortent des cheveux poivre et sel presque crépus. Enchaînant cigarette sur cigarette, il explique avoir rencontré les deux enfants dès le 6 août, le lendemain du drame. Samy souffre d’une fracture ouverte à la jambe, il a dû être amputé de deux doigts et il a de multiples blessures aux jambes et à la figure. Rhotma a pour sa part été très fortement blessé au visage.

L’expérience et les contacts des collecteurs de données du CMVIS leur permettent d’offrir un soutien aux rescapés. Un soutien nécessaire tant un accident entraîne une spirale de conséquences difficile pour les familles. Frais d’hôpitaux, moins de personnes disponibles pour effectuer le travail quotidien… Pisith et ses collègues guident donc les familles vers les services d’aide appropriés et leur offrent un kit d’urgence, essentiellement constitué de riz et de nouilles, afin qu’elles puissent subvenir à leurs besoin de base durant la période qui suit directement un accident.

Pisith l’avoue sans honte, c’est parfois difficile pour elle de faire ce métier qui l’amène à rencontrer régulièrement des personnes blessées et souffrantes. Comment rester insensible fasse à leur détresse ? Mais c’est aussi une des raisons qui la pousse en avant. Mon travail  m’offre une double satisfaction. D’abord, mon action de sensibilisation permet de limiter les risques d’accidents et les conséquences que cela entraîne pour la victime et toute sa famille. Ensuite, la précision de mes indications permet d’orienter le travail des démineurs pour que les personnes que je rencontre puissent enfin vivre en sécurité. A chaque fois qu’une nouvelle fiche a été remplie, je peux donc me demander : Le CMVIS (Cambodian Mine/ERW Victim Information System) est le service géré conjointement par Handicap International et la Croix-Rouge cambodgienne. Son objectif est de rassembler, analyser et disséminer de façon continue et systématique des informations sur les accidents et victimes de mines ou d’engins non explosés. Les deux organisations sont actuellement engagées dans un processus visant à donner à la Croix-Rouge cambodgienne la capacité de gérer ce projet de façon autonome à l’horizon 2010.

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