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Irak : un obstacle majeur à la reconstruction du pays

Mines et autres armes
Irak

Cinq ans après la fin de la guerre en Irak, les communautés sont toujours fracturées, tout comme les bâtiments, les routes et les ponts qui les entourent. Publié aujourd'hui, le rapport de Handicap International, « Reconstruction impossible : Impact de la contamination liée aux engins explosifs sur les populations touchées en Irak », dresse un tableau édifiant de la vie quotidienne des Irakiens, dont certains ont trop peur pour laisser leurs enfants aller à l'école à pied, ou d’autres sont contraints de travailler dans des endroits pollués par des explosifs, poussés par le besoin de gagner leur vie.

Annas, âgé de 15 ans, vit chez sa mère dans la banlieue de Mossoul. Lors de combats à Mossoul en 2016, il est blessé par des éclats de mortier à la colonne vertébrale. Malgré son handicap, Annas refuse toute aide. Il veut s'habiller seul, monter seul sur son fauteuil et se déplacer seul dans la rue : "Je veux retourner à l'école, explique-t-il, mais avec mon handicap, les professeurs refusent, estimant que je ne suis pas assez autonome". Annas se débrouille pour continuer à s'instruire malgré tout. « Mon rêve, ce serait de continuer mes études et d'aller à l'université, peu importe la filière ou le métier... juste aller à l'université. »

Annas, âgé de 15 ans, vit chez sa mère dans la banlieue de Mossoul. Lors de combats à Mossoul en 2016, il est blessé par des éclats de mortier à la colonne vertébrale. Malgré son handicap, Annas refuse toute aide. Il veut s'habiller seul, monter seul sur son fauteuil et se déplacer seul dans la rue : "Je veux retourner à l'école, explique-t-il, mais avec mon handicap, les professeurs refusent, estimant que je ne suis pas assez autonome". Annas se débrouille pour continuer à s'instruire malgré tout. « Mon rêve, ce serait de continuer mes études et d'aller à l'université, peu importe la filière ou le métier... juste aller à l'université. » | © F. Vergnes/HI

Publié par Handicap International (H.I.), le rapport « Reconstruction impossible : Impact de la contamination liée aux engins explosifs sur les populations touchées en Irak » montre que la guerre, même terminée, continue – et continuera sur plusieurs générations – de faire de nouvelles victimes à cause de la contamination par les restes de bombes. Le rapport souligne la nécessité pour les États de mieux protéger les civils contre les bombardements en zones peuplées. Les chercheurs de ce document se sont concentrés sur le gouvernorat irakien très peuplé de Ninive, où se trouvent les villes de Mossoul, Sinjar et Tall Afar.

L'Irak est l'un des pays les plus contaminés par les restes explosifs. Plus de 3 200 km² de terres sont contaminées, soit deux fois la superficie de Londres ! Cette contamination est un danger pour la population : les mines ou les restes explosifs ont fait quelque 700 victimes entre 2018 et 2020. Un nombre stupéfiant de 8,5 millions d'Irakiens vivent dans des zones affectées par cet héritage mortel des conflits successifs.

8 fois plus de temps pour déminer dans les villes

Le déminage des villes bombardées coûte six fois plus cher que celui d'une zone rurale. Le travail est souvent effectué avec des machines et des équipements lourds. Il y a un risque constant pour les démineurs et le voisinage que des explosions contrôlées provoquent l’effondrement de bâtiments. Dans les villes, ce travail essentiel prend huit fois plus de temps que dans les zones rurales. Le financement de telles opérations constitue un sérieux obstacle. L'Irak a besoin de 170 à 180 millions de dollars par an, dont 50 millions pour Mossoul, afin d’éliminer les engins explosifs.

« Fini les champs de mines nettement délimités, explique Alma Taslidžan Al-Osta, responsable Plaidoyer désarmement et protection des civils chez H.I.. En Irak, il s’agit de pièges explosifs déclenchés par des câbles cachés à l’entrée des maisons, de bombes aériennes qui n'ont pas explosé et sont enterrées sous des mètres de gravats, de jouets d'enfants bourrés d'explosifs... »

Les démineurs parlent de contamination « tridimensionnelle » (c’est-à-dire dissimulée dans des tas de gravats) qui exige une formation de haut niveau en matière d'explosifs et de munitions, une qualification que trop peu de démineurs possèdent en Irak. Même les combinaisons bleues de protection classique des démineurs peuvent être inutiles face à cette contamination. Un démineur à Mossoul interrogé pour le rapport remarque : « Nous trouvions plus d'objets à mesure que nous creusions. Cela rend le déminage difficile, car il ne s'agit pas seulement de contamination à la surface, mais de celle qui se trouve enfouie profondément dans le sol. »

Bombarder les villes : inhumain, imprécis et coûteux

Les bombardements en zones peuplées ont marqué le conflit irakien entre 2014 et 2017. Cette pratique a non seulement tué des dizaines de milliers de civils, mais elle a également détruit des écoles, des champs, des routes, des maisons, des stations d'épuration et contaminé ces lieux avec des engins explosifs.

« Les bombes et les villes ne devraient jamais se rencontrer, poursuit Alma Taslidžan Al-Osta. Les bombardements provoquent non seulement la destruction maximale des bâtiments, des infrastructures et des personnes se trouvant dans le rayon des explosions, mais en plus la contamination par les engins explosifs qui en résulte prive une population de son droit à toute chance de rétablir sa vie économique et sociale. »

Le rapport compile des données sur l’impact des conflits, extraites notamment de rapports régionaux : les dommages dans le secteur de l'électricité s’élèvent à 7 milliards de dollars ; à 2,8 milliards de dollars pour les routes, aéroports, ponts et voies ferrées... Dans la seule ville de Mossoul, 9 hôpitaux sur 13 ont été endommagés, ainsi que 169 écoles.

« Les règles de la guerre ne sont pas suffisantes pour protéger les civils dans les zones peuplées pendant les conflits et l’Irak en est un bon exemple, même des années après la fin des hostilités. Les États ont-ils encore besoin de preuves supplémentaires pour soutenir une Déclaration politique forte contre l'utilisation des armes explosives à large rayon d’impact en zones peuplées ? » - Alma Taslidžan Al-Osta.

Après deux ans de discussions diplomatiques, l'association espére qu'une telle déclaration sera bientôt signée par les États. Elle constituera une avancée historique pour la protection des civils dans les conflits.

Cohésion sociale

La population du gouvernorat de Ninive peine à guérir du conflit pour diverses raisons. Les impacts indirects de la contamination sur la cohésion sociale, comme l'accès limité aux moyens de subsistance et aux services, peuvent provoquer des tensions au sein des familles.

Les accidents liés à la présence d’engins explosifs ont également abimé les relations au sein des familles et entre les communautés. « Lorsqu’un chef de famille est blessé dans un accident, il peut avoir le sentiment de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, ce qui a un impact négatif sur son bien-être psychologique, explique Marc Van der Mullen, directeur de H.I. en Irak. Si un membre de la famille souffre d'un handicap après un accident, il peut être considéré comme un fardeau, d'autant plus que l'accès aux services de santé reste limité et coûteux. »

Une personne déplacée sur 12 – l'Irak comptait 678 512 déplacés en 2020 – affirme que la présence d'engins explosifs est un obstacle à son retour chez elle, note le rapport. Ne pouvant rentrer en toute sécurité, les familles continuent d'être déplacées et les communautés sont incapables de se reconstruire et de renforcer leur résilience collectivement.

Les écoles et les terrains de jeux étant contaminés, des communautés qui pourraient se côtoyer en sont empêchées. Une femme à Sinjar interviewée pour le rapport raconte : « Dans mon village, il n'y a pas de lycée. Il est difficile pour les élèves de se rendre dans d'autres villages, surtout quand on ne sait pas s’ils sont contaminés ou non. »

Méthodologie

Le rapport « Reconstruction impossible : Impact de la contamination liée aux engins explosifs sur les populations touchées en Irak » se concentre sur Ninive, le deuxième gouvernorat le plus peuplé d'Irak. Les chercheurs ont procédé à un examen approfondi de la littérature secondaire et ont mené des entretiens avec les parties prenantes et les personnes concernées au sein de la population affectée.

Cliquez ici pour lire le rapport complet (en anglais) ou son résumé (en français)

Publié le : 13 octobre 2021

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