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Les Philippines après Haiyan - «L'urgence est passée, mais les défis restent immenses»

Réadaptation Urgence
Philippines

Où en est-on avec la reconstruction des Philippines, six mois après le pasage du typhon Haiyan? Hélène Robin, responsable des actions d'urgence aux Philippines, explique les actions mises en place par Handicap International, depuis la reconstruction en passant par le soutien économique et l'intégration des personnes les plus vulnérables. 

Portrait d'Hélène Robin, verantwoordelijke noodhulpacties op de Filipijnen

Six mois après le passage du typhon le plus violent jamais enregistré, les Philippines se reconstruisent. Handicap International soutient les efforts de la population au travers de projets de reconstruction, d’assistance économique et d’inclusion des plus vulnérables. Hélène Robin, Responsable des opérations d’urgence pour les Philippines, revient sur les évolutions de cette intervention.

Six mois après le passage du typhon Haiyan, où en sont les opérations ?

"Les choses ont beaucoup avancé. Nous sommes rapidement sortis de la phase d’urgence proprement dite. Pour nous, cela signifie que nous réorientons nos activités vers des travaux de reconstruction et d’appui à la reprise d’activités économiques plutôt que de distributions d’articles ménagers essentiels, d’abris d’urgence, ou de prise en charge des blessés par exemple. Nous estimons que d’ici la fin de l’été nous pourrons considérer que les services de soins pour les personnes blessées, handicapées ou souffrant de maladies chroniques auront retrouvé leur niveau d’avant novembre 2013. Si c’est le cas, il est très probable que nous ne fournirons plus nous-mêmes ces services, même si nous continuerons bien sûr à veiller à ce que les personnes isolées aient bien accès aux soins existants en les identifiant et en les orientant.

Vous avez donc commencé à travailler sur de nouveaux projets ?

"Oui. Autour de Tacloban, nous avons par exemple commencé à travailler sur un projet visant à aider les personnes qui avaient un métier et qui ne peuvent plus le pratiquer parce qu’elles ont perdu leur outil de travail lors du cyclone. Pour une personne qui vivait de l’élevage de cochons par exemple, nous lui donnons les moyens d’en acquérir à nouveau un, afin de reconstituer son élevage et relancer son activité. Cela contribue à rendre à chacun les moyens d’être autonome, de reconstruire et de se reconstruire. Et au-delà, de retisser le tissu économique et social des communautés affectées.

Sur l’ile de Panay, nous aidons les personnes les plus vulnérables et qui sont toujours sans maison. Notre objectif est de permettre à ces personnes de reconstruire 800 abris avant le mois d’octobre, et le début de la prochaine saison cyclonique. Sachant que les familles philippines sont constituées en moyenne  de  4 à 5 personnes, ce sont plus de 3000 personnes auxquelles nous devons permettre de se protéger des prochaines intempéries. Nous lancerons dans les prochaines semaines des activités similaires autour de Tacloban, où les besoins sont également très importants."

Pas de chateaux de cartes

Les choses évoluent donc très rapidement ?

"Nous avons pu voir, au cours des cinq premiers mois de notre intervention, que les Philippins disposaient d’impressionnantes ressources pour se relever de cette catastrophe pourtant sans précédent. En dépit d’obstacles logistiques considérables, les choses sont effectivement allées très vite et certaines personnes ont déjà pu entamer des travaux de reconstruction. Il faut s’en réjouir, mais il faut également veiller à ce que ces abris soient à même de résister lors de la prochaine saison cyclonique, sinon ces constructions constitueront en fait une menace pour leurs habitants. Pour cela, en plus des reconstructions que nous menons directement avec les familles vulnérables, nous avons mis en place une équipe de techniciens qui identifieront les maisons dont la construction a déjà commencé mais présentant des risques. Nos techniciens tenteront de réduire ces risques au travers d’améliorations techniques."

Concrètement, comment s’organise ce projet de construction d’abris ?

"Concrètement, nous avons fait un premier travail afin d’identifier les personnes qui ont le plus besoin d’aide. Une équipe de techniciens va maintenant leur indiquer comment ils peuvent reconstruire de façon à être bien protégés des prochaines tempêtes. Nous financerons l’achat des matériaux, mais ce sont les personnes elles-mêmes qui réaliseront la construction de leur maison. Dans le cas où cela ne serait pas possible, comme cela risque d’être le cas pour des personnes isolées, âgées ou à mobilité réduite, nous embaucherons et/ou formerons un charpentier qui viendra réaliser les travaux."

Faire d'un problème une chance

Quel regard portez-vous sur les opérations menées jusqu’ici ?

Dans l’ensemble je pense que nous avons su répondre de façon très réactive et pertinente aux besoins immédiats des populations suite au cyclone. Tout n’a pas été facile, le contexte était très compliqué, mais il y a eu de vraies réussites. Nous avons été parmi les premières organisations à répondre aux besoins immédiats et massifs des populations, pour ensuite progressivement se recentrer sur notre complémentarité par rapport au travail des autres acteurs. Par exemple, dès les premières semaines, nous sommes intervenus dans les hôpitaux pour aider à prendre en charge les blessés, et avons effectué d’importantes distributions de biens de première nécessité. Rapidement nous nous sommes recentrés sur l’identification des personnes les plus vulnérables afin d’évaluer et de répondre à leurs besoins. 
De la même façon, à Tacloban, le projet de plate-forme logistique a permis aux municipalités d’apporter une réponse immédiate aux besoins en vivres des populations, alors que ces premières ne disposaient pas des moyens logistiques nécessaires à cette mise en œuvre. Cet appui (en camions et en outils essentiellement) a vraiment été pertinent. Il a permis aux municipalités (les barangays) d’être plus rapides, plus efficaces lors des opérations de distribution de l’aide et de déblaiement, et cela dès les premières semaines, lorsque c’était le plus important. Dans les premiers jours qui suivent une telle catastrophe, il est toujours très difficile de choisir les bonnes modalités d’intervention. Il était très compliqué d’avoir une vision claire des besoins puisque tout manquait et que les défis étaient innombrables. C’est pourquoi nous avons fait le choix de démultiplier, à travers cet appui logistique, la capacité d’intervention des communes et des acteurs locaux qui étaient les mieux à mêmes de répondre aux besoins des populations."

Aujourd’hui, cet appui n’est plus nécessaire ? Les travaux de déblaiement ont pu être achevés ?

"Non, malheureusement, le travail de nettoyage n’est pas encore terminé. Au-delà des axes de communication qui ont été ré-ouverts et des débris les plus lourds qui ont été dégagés, il reste énormément à faire. Mais nous faisons en sorte de transformer ce problème en une opportunité. Nous versons de petits salaires à des personnes particulièrement vulnérables, notamment des personnes en situation de handicap, pour qu’elles effectuent des travaux de nettoyage des débris restant. Le résultat, c’est qu’au-delà de faire avancer plus rapidement les opérations de nettoyage autour de Tacloban, cela a aussi permis à des personnes qui étaient exclues de leur communauté, ou qui n’y trouvaient pas nécessairement leur place, d’être valorisées pour ce qu’elles pouvaient apporter dans les efforts de reconstruction. Certaines d’entre elles n’avaient jamais eu l’occasion de travailler et cela a été pour elles une grande fierté et une prise de conscience du rôle qu’elles peuvent jouer au sein de leur communauté. Nous organisons d’ailleurs des groupes de parole pour leur permettre d’en parler, d’en prendre pleinement conscience, et pour qu’ils puissent donner, avec leurs mots, un sens à cette action."

Le temps de la reconstruction est arrivé

Quels sont les objectifs que vous fixez aux opérations d’urgence de Handicap International aux Philippines ? Combien de temps sera encore nécessaire pour atteindre ces objectifs ?

"Les opérations d’urgence de Handicap International vont désormais s’atteler à assurer un lien entre la phase d’urgence, et la phase de reconstruction durable qui sera portée par nos équipes de développement. Sur Panay comme sur Leyte, nous allons désormais continuer d’œuvrer dans le cadre du « relèvement précoce », c’est-à-dire appuyer les populations à reconstruire mieux et de façon sécurisée, leur habitat, voire de recouvrir des biens (articles ménagers essentiels, biens nécessaires à des activités génératrices de revenus perdus pendant la catastrophe et qu’ils n’ont pas les moyens d’acquérir à nouveau…) nécessaire à leur relèvement. Progressivement, c'est-à-dire au cours de les 8 à 10 prochains mois, viendra le temps de la reconstruction durable, de la prévention des risques contre les futurs désastres, et de la projection de ces populations vers de meilleures conditions de vie. Cette étape sera prise en charge par les équipes développement de Handicap International spécialistes de ces domaines."

 


[1] Besoins spécifique et de base, auxquels Handicap International a répondu soit de façon directe soit par référencement auprès d’autres acteurs, c’est-à-dire en veillant à les réintégrer dans le système d’aide existant, ou de le compléter quand nécessaire.

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