Les survivants de mines appellent les signataires du Traité d’interdiction des mines à respecter leurs promesses
Un nouveau rapport, donnant corps aux « Voix du terrain » (Voices from the ground), montre que, malgré les progrès enregistrés dans le domaine de la destruction des stocks et de la dépollution, les gouvernements du monde entier ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris en ce qui concerne le traitement et la réintégration sociale des survivants de mines.
Les victimes se font entendre dans le nouveau rapport de Handicap International
- moins d’un quart des rescapés constatent une amélioration
- les aides gouvernementales ne répondent pas à leurs besoins
- 150 Etats plancheront dès demain sur l’avenir du Traité d’interdiction des mines
Un nouveau rapport, donnant corps aux « Voix du terrain » (Voices from the ground), montre que, malgré les progrès enregistrés dans le domaine de la destruction des stocks et de la dépollution, les gouvernements du monde entier ne respectent pas les engagements qu’ils ont pris en ce qui concerne le traitement et la réintégration sociale des survivants de mines. Dix ans après l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction des mines antipersonnel, 67% des rescapés estiment que les programmes nationaux d'assistance aux victimes n'ont pas pris en compte leurs besoins. L’appel lancé aux gouvernements pour l'application du Traité d'interdiction des mines et la publication de ce nouveau rapport coïncident avec le début de la seconde Réunion préparatoire organisée à Genève les 3 et 4 septembre. Environ 150 pays doivent s’y réunir pour organiser le plan d’action mondial d'interdiction des mines pour les cinq années à venir.
«J’ai besoin d’espoir pour vivre. Je pense avoir une chance de reprendre une vie normale, je souhaite réaliser mes rêves et remplir mes obligations, comme tous les autres habitants de mon village », explique Korab Mula, un jeune survivant albanais de 27 ans qui a perdu ses deux bras et a eu les jambes blessées en marchant sur une mine en 2000. L’Albanie est l’un des rares pays dans lesquels des progrès ont été mis en évidence pour l’assistance aux victimes.
Le rapport « Voices from the Ground - Landmine and Explosive Remnants of War Survivors Speak out on Victim Assistance », a été publié dans le monde entier par Handicap International et d’autres membres de la Campagne internationale pour interdire les mines dans le monde (ICBL). Il s’agit du tout premier rapport d'enquête sur l'assistance aux victimes. L’étude, qui s’est achevée en juillet 2009, inclut des questionnaires et des données recueillies auprès de 1.645 survivants dans 25 pays concernés par cette problématique.
Le rapport montre que les survivants ne sont que rarement impliqués dans la prise de décisions et les activités en leur faveur, plus de deux tiers d'entre eux estimant dès lors que leurs besoins ne sont pas pris en compte au moment de l'élaboration des plans d'assistance par leur gouvernement. Cette non-participation explique pourquoi une majorité de survivants sont d’avis que leur gouvernement manque d’une réelle volonté politique de les aider.
« Les pays ne doivent pas se contenter de détruire les stocks et de déminer, ils doivent également aider les personnes qui ont survécu aux explosions et qui vivent maintenant dans les campagnes. Il faut aussi qu'ils associent ces survivants au processus décisionnel, explique Marc Joolen, directeur général de Handicap International Belgique. Les habitants des zones rurales doivent pouvoir bénéficier d’une aide abordable et de proximité. Partout dans le monde, les rescapés souhaitent avoir la possibilité de trouver un emploi et de refaire leur vie. »
Le Traité d’interdiction des mines antipersonnel est le premier accord international de désarmement exigeant de la part de la communauté internationale d'assurer l'« assistance aux victimes ». Même si tous les États-parties sont « en mesure » d'offrir une assistance aux survivants, le rapport souligne que moins d'un quart des survivants ont constaté une amélioration dans leur quotidien.
« Les défis sont énormes et concernent le long terme. Les rescapés ne savent que trop bien que leurs gouvernements ont beaucoup d’autres priorités. Ils indiquent par ailleurs clairement que les États n'ont pas pris en compte leurs besoins concrets », indique Katleen Maes, coordinatrice de la recherche chez Handicap International Belgique.
Les survivants se retrouvent en butte à la discrimination et se retrouvent en concurrence avec de nombreux autres groupes vulnérables pour accéder à un nombre limité de services. Malgré des améliorations dans le domaine des soins médicaux et de la réadaptation physique, la plupart des rescapés continuent à devoir compter sur l'aide de leurs proches et de leurs amis. Les progrès les plus importants et les plus urgents restent à faire en ce qui concerne l'éducation et l'emploi. Parmi les principales conclusions concernant l’évolution de l'aide aux victimes entre 2005 et 2009, retenons les points suivants :
- Urgences et soins médicaux continus : Les améliorations concernent surtout les soins médicaux, un secteur en progrès selon 36% des survivants interrogés. Cette évolution s'explique essentiellement par l'amélioration générale des infrastructures de soins de santé. Alors qu'un grand nombre de survivants constatent des efforts dans le domaine de la formation du personnel, le personnel formé ne souhaite généralement pas travailler dans les zones rurales. Et partout, l'assistance se limite essentiellement aux soins de santé de base.
- Réadaptation physique : Pour 39% des survivants, la qualité des dispositifs d’aide à la mobilité s’est améliorée. La plupart de ces services sont assurés par des agences internationales. Notons que le transport vers les infrastructures et pour en revenir, reste problématique.
- Soutien psychologique et réintégration sociale : 21% des survivants interrogés notent une amélioration des services de soutien psychologique et de réintégration sociale depuis 2005. Mais, si les survivants se sentent souvent plus autonomes, cette amélioration ne semble pas être la conséquence des activités sur le terrain, puisque les services restent pratiquement inexistants. La plupart du temps, les survivants doivent compter sur le soutien de leur famille et de leurs amis.
- Réintégration économique: Le chômage touche de plein fouet les survivants. Neuf sur dix estiment être victimes de discrimination sur le marché de l'emploi. Le taux de chômage augmente sensiblement suite à l’accident. Le taux de chômage des survivants dépasse les 70% en Afghanistan, et il est de l'ordre de 90% en Érythrée. Près de 74% de toutes les personnes interrogées jugent insuffisants les revenus de leur ménage.