Liban : « Aujourd’hui, les gens peuvent utiliser leurs terres »
Ayman Ghazal a travaillé avec Handicap International pendant deux ans, au Sud Liban. Il a été superviseur des équipes chargées du déminage humanitaire dans des zones affectées par les sous-munitions. En marge de la conférence de suivi de l'interdiction des sous-munitions, qui se déroule au Liban, nous avons demandé à Ayman de témoigner de son expérience.
Ayman Ghazal a travaillé avec Handicap International pendant deux ans, au Sud Liban. Il a été superviseur des équipes chargées du déminage humanitaire dans des zones affectées par les sous-munitions.
Comment êtes vous devenu démineur ?
J’avais quitté Tyr avec ma famille pendant la guerre de l’été 2006. Quand je suis revenu, j’ai découvert les ravages des bombardements. J’ai alors postulé pour être démineur chez Handicap International. Je ne connaissais rien aux mines ni aux sous-munitions à l’époque, mais je voyais mon pays détruit par ces armes.
Handicap International m’a formé. Je suis ensuite devenu chef d’équipe et enfin responsable des trois équipes de démineurs. Au final,j ’ai travaillé pour Handicap International pendant 2 ans dans le Sud Liban.
Comment agissaient les équipes ?
Dès le début du projet, nous avons travaillé dans des zones habitées par les populations civiles : jardins, terres agricoles et pâtures privées, mais aussi bâtiments publics, rues, habitations et même un cimetière...
La plupart des gens n’avaient pas d’autres choix que de continuer à vivre dans leurs maisons. Ill était donc urgent de nettoyer les alentours de leurs habitations. Beaucoup de gens reprenaient leurs activités agricoles et de maraichage sans se soucier de la pollution par ces armes, ils prenaient donc des risques ! C’était un travail dangereux et très stressant du fait de la présence des habitants autour. Surtout quand nous organisions des démolitions ! Nous avons organisé des séances de sensibilisation auprès des populations pour présenter les règles de sécurité à respecter.
L’équipe de Handicap International a gagné petit à petit la confiance des habitants des zones polluées. On avait l’impression d’être en famille ! Dans la plupart des zones où nous allions travailler, on nous offrait de l’eau, des fruits etc. Nous étions tous des habitants de la région et nous avions l’impression de travailler pour nos propres familles. Aujourd’hui, je suis toujours en contact avec ces populations ! Même mes parents, qui étaient terrifiés quand j’ai commence à faire ce métier, ont compris petit a petit l’importance de mon travail. Je leur faisais des séances de sensibilisation tous les soirs !
La situation a Tyr et dans ses environs s’est beaucoup améliorée, les gens réutilisent leurs terres et les gens ont moins peur, c’est en partie grâce au travail que nous avons fourni et j’en suis fier !
Votre souvenir le plus terrible ?
J’ai été témoin de l’accident d’un civil avec une sous-munition. En cherchant des matériaux de construction dans des gravats, un homme a fait exploser une sous-munition. Il est décédé sur le coup. Il savait que la zone était dangereuse, elle était même marquée, il avait été sensibilisé, mais il a quand même pris ce risque et en est mort… J’étais là, j’ai tout vu. C’était très triste. A cette époque, on entendait des histoires d’accidents tout le temps. Maintenant c’est devenu plus rare.
Aujourd’hui Ayman s’intéresse toujours à la problématique des mines et bombes à sous-munitions et est resté en contact avec les démineurs et les organisations qui travaillent dans ce domaine. Marié et père d’un enfant, il est directeur administratif de la municipalité de Tyr.
Propos recueillis le 06 09 2011