«Je n'avais qu'une envie : aider ! »
Janvier 2010 : Olivier Champagne, 47 ans, kinésithérapeute à Bruxelles, part à Haïti quelques jours après le séisme. Son objectif : mettre ses compétences au service des victimes haïtiennes en travaillant avec Handicap International. Cinq ans plus tard, il évoque son expérience.
Janvier 2010 : Olivier Champagne, 47 ans, kinésithérapeute à Bruxelles, part à Haïti quelques jours après le séisme. Son objectif : mettre ses compétences au service des victimes haïtiennes en travaillant avec Handicap International. Cinq ans plus tard, il évoque son expérience.
Pourquoi avez-vous choisi de vous engager pour Handicap International, sur le terrain ?
A l’université, j’avais assisté à une présentation de Handicap International dans les contextes de développement. Ca m’a tout de suite parlé, mais ce n’était pas le bon moment. Par la suite, cette envie est restée, Handicap a conduit des opérations d’urgences, dont certaines en collaboration avec MSF[1], j’étais disponible, et j’ai foncé. Je n’avais qu’une envie : donner un coup de main.
Votre première image en arrivant en Haïti ?
Je me rappelle du trajet dans un bus bondé, sans climatisation, depuis Santo Domingo (République Dominicaine) jusqu’à Port-au-Prince. Un véritable enfer. La transition entre les deux pays était impressionnante : à peine passé la frontière, le paysage était complètement différent. Toute végétation avait disparu. Plus on avançait, moins c’était organisé. A Port-au-Prince, un sentiment de fin du monde : immeubles écroulés, poussières, odeurs nauséabondes, armée américaine présente près des lieux sensibles, pillages dans tous les coins. Une vision apocalyptique.
Quelle était votre mission ?
J’ai travaillé en collaboration avec MSF dans le centre de santé Choscal, à Cité Soleil, bidonville de Port-au-Prince. Au début, j’étais le seul kiné pour 140 patients : préparation psychologique à l’amputation, avis neurologique et orthopédique aux urgences, travail de rééducation, etc. Les journées étaient surchargées. Parler de l’amputation à un patient est toujours très difficile. Suite au séisme, la population était extrêmement déprimée. Ils avaient tout perdu : intégrité physique, famille, maison, travail.
Comment décririez-vous les défis majeurs de cette fonction ?
Arriver à offrir des soins qualitatifs aux patients. Des soins qu’on accepterait nous-mêmes. Je me suis battu pour ça. Un autre défi était d’arriver à rester humain, en toutes circonstances. Face à tant de misère, on a tendance à vouloir mettre de la distance, pour se protéger soi-même. Trop de demandes et pas assez de temps, j’ai dû faire des choix. Pas évident.
Pensez-vous que l’intervention de Handicap International en réadaptation a été réellement utile aux bénéficiaires ?
J’en suis convaincu. Mais il faut s’imaginer le contexte. Face à une telle catastrophe, chacun essaie de faire ce qu’il peut. C’est de la survie. Et tout est compliqué : acheminements logistiques, embouteillages partout, difficultés de communication. Je pense qu’on a vraiment contribué à changer l’avenir des patients qui ont bénéficié de nos soins. Et qu’agir avait, et a encore, du sens.
Un moment marquant de votre expérience ?
Un an plus tard, je suis retourné une semaine à Haïti. J’y ai retrouvé quelques patients qui avaient été prévenus de mon arrivée. Ce fut un moment fort, très humain, émouvant, précieux : mon salaire !
Avez-vous constaté des améliorations de la situation, un an plus tard ?
Oui, surtout au niveau des infrastructures hospitalières. La situation des patients s’est, elle-aussi, fortement améliorée. Une ancienne bénéficiaire, amputée, est aujourd’hui rééducatrice. Par contre, les reconstructions étaient peu avancées…
Aujourd’hui, le terrain ne vous manque-t-il pas ?
Si. Le retour n’a pas été simple, et j’aimerais repartir. Cette expérience a été un véritable ‘shoot humain’. Dans de telles situations, les gens n’ont plus de barrière. Ils se montrent tels qu’ils sont. C’est impressionnant. J’y ai rencontré beaucoup de personnes extraordinaires.
[1] Médecins sans Frontières